Extrait de l’interview de Mario Botta, De la nature à la culture par Céline Fossati – quelques phrases qui permettent de mieux comprendre la justesse du geste architectural réalisé par Mario Botta pour le centre de bien-être du Tschuggen Grand Hotel. Ce geste admiré découle avant tout d’une grande prise en compte du contexte et d’une implantation respectueuse dans le site, une attitude récurrente chez l’architecte et observable dans de nombreux projets.
Lorsque vous imaginez un bâtiment en montagne, cherchez-vous le bon geste architectural ou l’intégration dans le paysage ?
« Ni l’un, ni l’autre. Je n’aime pas ce mot d’intégration. La montagne est une présence, une architecture en soi. L’homme vient ajouter une autre présence entre le ciel (l’infini) et la terre. La question étant: comment modifier la croûte terrestre pour y enraciner une construction ? On ne peut donc pas parler d’intégration. Au contraire, il faut parler de dialogue entre des formes rationnelles (que l’on va placer entre ciel et terre) et l’élément organique (la nature qui est là, présente). L’intérêt de l’architecte n’est pas le geste en lui-même, un geste fermé, centré sur un objet fini. C’est la confrontation entre l’élément géométrique et l’élément organique. S’il y avait un thermomètre capable de mesurer la qualité d’un acte architectural, il devrait mesurer l’intensité de cette confrontation. Plus la tension est importante, plus la montagne s’enrichit et, de manière réciproque, plus l’objet architectural devient intéressant. »
Qu’est-ce qui vous attire vers les sommets ?
« La montagne est une mère exigeante. Ou mieux encore, une femme exigeante. Elle demande plus de rigueur que la plaine où l’on peut, même si on ne le devrait pas, bâtir n’importe où. Chaque élément en montagne demande un effort et engendre une fatigue. L’entier du processus exige davantage de précision, de rigueur. Bâtir devient en défi. »
Êtes-vous à un moment de votre vie qui vous appelle à plus de spiritualité ?
« Sans doute. J’ai reçu une éducation où les valeurs spirituelles étaient importantes. Chercher à aller au-delà de la limite définie par l’esprit de l’homme. Et j’espère que cela se traduit dans mon architecture. Ce n’est pas toujours une recherche consciente. Je ne trouve parfois des valeurs et des significations à mon travail qu’une fois le bâtiment achevé. Quand on est dans le processus de construction, on a bien d’autres paramètres à gérer: problèmes de statique, gestion des coûts, choix des matériaux, contraintes techniques… A la fin, l’objet vous parle ou ne vous parle pas. Mais il est toujours le reflet d’une recherche d’authenticité, enrichie des valeurs de tous ceux qui ont contribué à son édification, du savoir-faire des artisans et de la mémoire historique collective. Le bâtiment fini est infiniment plus riche que l’idée d’origine de l’architecte. »