Durant la dernière semaine de mon séjour à l’hôtel, il faisait
tellement beau et chaud que j’ai passé mes derniers moments en jonglant entre le
jacuzzi suspendu et le quai du port… là où je pouvais me baigner et bronzer.
Ce jacuzzi est suspendu à quelques 50 mètres de hauteur au-dessus des suites offrant l’un des meilleurs panoramas sur la ville d’Amsterdam. Mes derniers moments étaient plutôt calmes, je prenais vraiment le temps d’apprécier chaque détail, chaque sensation. Je me rends compte que mon acrophobie s’est nettement dissipée. Il a fallu que je m’habitue à vivre perchée en hauteur pour me rendre compte que finalement je ne risquais pas réellement de faire une chute libre dans le vide tel qu’imaginait mon cerveau.
Comme que cité dans le site officiel de l’hôtel : « FARALDA CRANE HOTEL, You’ll love it or you hate it »
Dans cet hôtel il y a bien plus insolite que ces suites perchées en hauteur. Ce sont les soirées et les évènements avec « le spectacle le plus choquant et passionnant où vos fantasmes se réalisent ».
A 15 mètres se trouve ‘le studio intime’ là où sont organisées les soirées musicales avec Dj professionnels et des diffusions en direct, ce qui permet d’accroitre la notoriété de ces DJ et faire du bon marketing à certains sponsors.Je trouve que l’emplacement du studio dans la grue est très bien réfléchi, puisqu’il permet de garder le public éloigné des suites perchées sur 36 mètres. Ceci permet-il aussi de limiter les nuisances sonores ? En tous les cas, mon séjour était plutôt calme, si ce n’est la nuisance du port industriel à côté qui m’interpellait, rien ne se passait dans l’hôtel. Je pense bien que ce soit dû à la période du Coronavirus, durant laquelle les rassemblements sont très limités et les évènements en lieux clos sont interdits.
Le studio me semble évolutif puisqu’il fait également office d’un restaurant où il est possible de profiter d’un diner romantique avec une vue imprenable sur les bateaux qui naviguent autours. La capacité d’accueil est cependant limitée à 10 personnes à raison de trois tables, et il faut bien sûr réserver bien à l’avance. Me concernant, j’ai préféré manger dans les restaurants et les cafés qui sont assez nombreux dans la zone NDSM en profitant du musée de Graffiti à ciel ouvert qui m’entourait.
Après un séjour dans les deux premières suites de l’hôtel, je suis passée à la suite Mystique. Elle surplombe le lac IJ et la ville d’Amsterdam, et risque de me causer du tournis pour le reste de mon séjour. Dès que je franchis la porte d’entrée, je suis transportée dans une atmosphère sombre et intime, à la différence des deux autres suites avec un ton plus clair et un intérieur illuminé.
Bien que l’agencement des différentes parties de la pièce soit quasiment le même que dans la suite Free Spirit, le mobilier choisi ainsi que la peinture et la matérialité de chaque élément font bien la différence entre les deux chambres. En effet, la suite en duplex de 36m² est aménagé d’un premier niveau abritant le salon et une salle de bain séparée qui comporte des parties d’un ancien croiseur océanique englouti.
Le second niveau comprend quant à lui une zone de couchage avec un
énorme lit King Size Coco-Mat, et une baignoire design Villeroy & Boch qui
nous accueille dès qu’on atteint les dernières marches de l’escalier.
Une particularité de la suite est son toit doré conçu avec des
papiers peints choisi spécifiquement pour donner un rendu avec relief. Ceci me
donne l’impression d’être une continuité aux tissus choisis pour le lit et les
rideaux. Le tout dans une palette de couleur nuancée entre le noir et le doré.
Il est vrai que sans ces documents graphiques de l’hôtel, j’aurai entrepris difficilement une analyse de ses façades. En effet, je le rappelle, les couleurs ont été choisies en lien avec quelques éléments nautiques dans le paysage portuaire environnant, les navires légers, une grue au loin et l’île du REM.
On peut comprendre de ces documents que les deux suites rajoutées sont identiques, avec un même emplacement des ouvertures et un même ratio du vide/plein. Quant à la suite entre les deux, qui fût autrefois la salle des machines, ses couleurs et sa composition d’origine ont été restaurées pour contribuer à ce témoignage d’un patrimoine industriel.
C’est le 27/4/2021 une belle journée ensoleillée et bien particulière pour les Néerlandais, c’est le koningsdag. Avec Lyndie, mon amie dutch, on prévoit de se balader dans le centre d’Amsterdam et vivre cette expérience totalement insolite et nouvelle pour moi.
Ce festival des plus grands évènements nationaux des Pays-Bas remonte à une célébration ancienne connue sous le nom « le Jour de la Reine » et qui était fêté le 30 avril depuis 1885 pendant 3 générations de reines. Tandis que la Fête du Roi est actuellement célébrée le 27 avril, lors de l’anniversaire de Willem-Alexander, qui est monté sur le trône en 2013.
Cet évènement est si important pour les Néerlandais de nature très festifs, qu’il est fêté dans chaque coin du pays, des grandes villes aux petits villages. A Amsterdam, les rues sont blindées de monde portant la couleur orange en l’honneur de la famille royale néerlandaise d’Orange-Nassau. Avec la crise sanitaire cette année, les célébrations en lieux publics allaient être très limitées et réduites à des évènements en ligne ou des petites fêtes entre les membres d’une même famille depuis leur balcon. Cependant, les Néerlandais tiennent réellement à leur journée d’envergure européenne si ce n’est mondiale. Ainsi, j’ai réussi à m’imprégner de ces festivités et vivre des moments inoubliables. J’ai pu voir et ressentir la joie de vivre des Dutchs, tout le monde était heureux malgré l’énorme foule sur les rues et les bords des canaux d’Amsterdam. Ils tenaient tous quelque chose à boire dans les mains, se tapaient la discussion en jouant pendant des heures sans s’en lasser.
Lyndie me raconte que durant les fêtes des années passées, il était commun que les Néerlandais souhaitent la bienvenue aux étudiants internationaux ou des expatriés nouvellement arrivés aux Pays-Bas. Ceci se faisait en mettant la personne en question sur un bateau rempli de boissons et la balancer dans les canaux d’Amsterdam pour qu’elle découvre la ville sous un autre aspect. Cette pratique a été également maintenue cette année malgré la crise sanitaire, et … j’ai eu droit à ça !
Que dire de cette balade ! Une semaine après, je n’en reviens toujours pas.
Je reviens sur mon séjour dans la première chambre de l’hôtel Faralda Crane afin d’apporter quelques éclaircissements. Ce n’est pas le fruit du hasard si j’avais décidé de débuter cette expérience de séjour virtuel dans la Secret Suite, c’est bien parce qu’elle fût aménagée dans un espace existant, la cabine du grutier, ce qui lui a valu une distinction visuelle par une forme et une couleur de façade propre à elle. Contrairement aux deux autres suites, entièrement neuves et créées dans le cadre de ce projet. Donc, il a fallu faire, pour la suite secrète, un travail de restauration et de réaménagement de son espace intérieur.
Je passe maintenant à ma semaine passée dans la seconde chambre, Free spirit Suite. Située en dessous de la suite secrète, elle est accessible par un ascenseur sur une hauteur de 35m.
En franchissant la porte d’entrée, je me retrouve coincée entre un sentiment de déjà vu et une sensation d’une exploration toute nouvelle. Est-ce dû à la forme de l’espace et sa logique, lisible dès le premier regard ( du moins pour moi) ? Probablement oui…
Une chambre de 36m² environ se développe sur deux niveaux, un premier dédié au salon et à une salle de bain, puis un second niveau dit de couchage et qui abrite un lit et une baignoire luxueuse. Cette disposition est ancrée dans ma tête, mais ma confusion était surtout due à ce changement de décor. En effet, des nuances plus calmes et paisibles avec seulement quelques éléments de couleurs vives, ont réussi à me transporter dans une autre ambiance très différente, tout en ayant des piqures de rappel de l’aspect industriel originel de l’hôtel.
Chaque suite à sa palette de couleurs et son thème. Pour la Free Spirit Suite, le design haut de gamme est inspiré du Jugendstil, l’équivalent de l’Art Nouveau en Allemagne. Le terme renvoyait au début à la revue Jugend créée par Georg Hirth en 1896. Ce modernisme se caractérise par l’inventivité, rompant avec l’industrialisation de masse, et l’introduction du sensible dans le décor quotidien à travers les couleurs, les ornementations inspirées des fleurs, des insectes…
Ces inspirations sont présentes dans la suite à travers des objets d’art, posés sur le sol ou accrochés aux murs. Ces derniers sont en en onyx de couleur perle recouverts de tissus gigantesques Chivasso en satin de 4m50 de long.
Je mène ma vie virtuelle d’étudiante
en architecture/touriste tout discrètement. Je continue mon exploration de l’hôtel
en jonglant entre les différentes pièces, offrant des ambiances variées et des
expériences uniques.
Pour ma rédaction du soir, je rebondis
sur mon vécu dans la suite Secret, chaque coin me faisait rêver et dépassait
mes attentes, moi qui suis plutôt fan d’une déco minimaliste et contemporaine,
je me retrouve fascinée par la composition de ces espaces qui dégagent une atmosphère
propre à chacun d’entre eux et forment un tout harmonieux.
En observant chaque détail, je suis parfois gênée et mal à l’aise face à certains choix, plusieurs motifs géométriques totalement différents sont choisis mais qu’on pouvait simplifier en n’en adoptant qu’un seul par exemple, afin de rester dans une certaine sobriété de décor. Mais, je me ressaisis juste après en me disant que finalement, l’objectif est atteint par les créateurs de cet intérieur, ils cherchaient peut être à éveiller toutes ces sensations contrastées chez le visiteur.
En effet, les architectes d’intérieur du Studio Heem localisé à Haarlem accordent une importance particulière au sens donné par chaque élément, il n’était pas question de ramener intégralement le vocabulaire propre à la nautique dans cette construction notamment à travers des fenêtres rondes par exemple mais plutôt de réinterpréter ces éléments afin d’en créer un nouveau langage pour chaque suite.
Dans la suite Secret, la porte coulissante de la salle de bain n’est plus une simple porte simplement fonctionnelle séparant deux espaces et dénudée de sens, mais elle est bien un réceptacle de détails qui rappellent l‘aspect industriel et mécanique de la grue.
Les fenêtres de la cabine du grutier,
dans l’espace salon, n’ont pas été cachées par des rideaux, de même pour les parois
en tôle oxydée. Ceci peut émaner d’une intention d’opposer ce calepinage brut
et purement fonctionnel, à une forme de diversité et de richesse des motifs
géométraux et des textures combinées entre elles à travers les coussins, la
housse de matelas et le tapis.
Il s’agit de créer cette tension et ce
contraste entre l’existant purement minimaliste, industriel et ‘rouillé’ et le
nouvel apport plutôt surchargé et soigné.
Loin de l’expérience insolite que m’offre cet hôtel atypique, je souhaite aujourd’hui partager ce que j’ai pu apprendre de la personne qui est derrière cette architecture. Edwin Kornmann Rudi n’est ni architecte ni ingénieur, il est cet entrepreneur immobilier dès plus intelligents et créatifs à mon sens puisqu’il a réussi à saisir une opportunité sans égale.
“L’art véritable n’est pas seulement l’expression d’un sentiment mais aussi le résultat d’une vive intelligence.”
Hendrick Petrus Berlage
Rien n’est fruit du hasard, cet homme est dans cette activité entrepreneuriale depuis ses 17 ans, donc depuis plus de 40 ans ! Mais comment est-ce qu’il a eu cette idée de créer un hôtel dans une grue industrielle ? Monsieur Rudi répond à cette question sur le site dédié à son hôtel : « Tout d’abord, il faut être créatif et un peu fou pour développer les 3 suites les plus chères au sommet d’une grue portuaire monumentale. Je voulais faire une démonstration ! Mon rêve était de créer un outil qui contribuerait à la réalisation de mon objectif »
Un petit tour sur LinkedIn m’a permis de mieux connaitre le parcours hétérogène d’Edwin Kornmann Rudi. Actuellement et depuis 2010,il est propriétaire de Crane Hotel Faralda Amsterdam et travaille dans le secteur de la restructuration, récupération et remarketing de l’immobilier. Mais sa carrière commence d’abord par la réaffectation et le réaménagement des propriétés industrielles et monumentales, de 1998 à 2008, tout en ayant des projets parallèle dans le domaine de la santé. En 2001 et pour onze ans, il était président de la GP Support Foundation (Fondation de soutien aux médecins généralistes) en étant propriétaire et investisseur.
De cet aperçu, je ne peux que constater un élément qui demeure commun à toutes ces activités, l’entreprenariat.
J’avoue que ce constat pousse mes pensées vers une dérive plutôt pessimiste, je me dis que finalement ce projet que nous ; les architectes, voyons comme une œuvre architecturale des plus intéressantes puisqu’il illustre le pouvoir de l’Homme à exprimer les sensations de son temps, à réadapter des objets, des lieux et des environnements selon son évolution à lui, n’est finalement qu’un projet ‘commercial’. C’est peut-être mon avis à moi seule, mais ces questionnements me laissent perplexes.
Ce qui me rassure, suffisamment pour fermer l’œil et dormir sereinement, est que quel que soit la raison, le projet a permis de sauver un patrimoine industriel représentatif d’une mémoire collective, puisque, je le rappelle, les autres grues ont été démontées et seul Kraan 13 a été sauvé. Puis il ne faut pas oublier que cet hôtel participe dans la satisfaction des besoins d’une certaine catégorie de la population, en offrant une expérience insolite mais aussi en offrant des opportunités de branding et de marketing proposé justement grâce à la notoriété répandue de l’hôtel.
Enfin, ce qui me rassure réellement est le fait que rien n’est jamais perdu, même si c’était pour un but purement économique (un constat que j’essaierai d’améliorer davantage par des recherches et surtout par l’expérience que m’offrira ce séjour), le projet demeure une concrétisation d’une expérience et d’un savoir-faire de restauration d’une structure industrielle pour devenir habitable en respectant les normes en vigueur, ceci dit, cela peut servir comme un enrichissement à notre culture de construction.
« Si l’on ne pêche pas du tout contre la raison, on n’arrive généralement à rien. »
Commençons par le commencement, entre les trois suites de l’hôtel, je choisis celle qui fut autrefois la cabine du grutier, pour y passer un bon temps d’exploration et d’expérimentation. Perchée sur 35m de haut, la chambre luxueuse au design contemporain est le fruit d’un remaniement d’un espace désormais partagé en deux niveaux créés par un faux plancher intermédiaire. Le premier niveau abrite l’espace de vie, le second comprend l’espace de couchage. Ensemble, ils forment la suite faisant 40m².
En poussant cette porte médiévale à deux battants bleue turquoise, j’ai comme impression de rentrer dans un espace qui m’est familier. Des motifs orientaux que je reconnais, ils sont sur le tapis, sur les oreillers, des lanternes marocaines… le décor est décidément inspiré du Maroc et c’est absolument beau.
Emerveillée par ce paysage aux couleurs neutres qui contrastent parfaitement entre elles, j’aperçois un nid au fond du salon, un espace romantique écarté du reste de la pièce par des rideaux violets. Entouré de trois fenêtres, cet espace bénéficie d’une vision de 180° sur le lac IJ. Celle-ci qui serait complétée par les autres fenêtres de la cabine/suite permettant un champ de vision de 360° autour du port.
Le design est absolument riche en motifs, mes yeux et mes mains (car oui, je touche les surfaces pour mieux ressentir le matériau) sont gâtés entre la douceur et la brutalité d’une matérialité si diversifiée de cet intérieur. Les pièces composant le décor s’harmonisent entre soie, satin, métal et cuivre…
Je trouve si beau ce travail d’harmonie entre un design industriel existant de la cabine du grutier ; qui est bleue en acier et en cuivre chromé, et un design tout à fait nouveau qui est plutôt chaud et plus accueillant, violet et en tissu…C’est peut-être ça qui fait que la grue soit adaptée à un séjour en hôtel ?
Sur ma droite, j’aperçois une porte que je pensais être une fenêtre au début, car il ne me vient pas naturellement en tête qu’une telle suite ait un balcon perché sur 35m de haut ! Mon acrophobie m’empêche de sortir, je sens déjà les vertiges rien qu’en regardant à travers les vitres.
Sur ma gauche, se dresse un escalier industriel qui semble inconfortable. A vue d’œil, je peux dire que son design ne respecte pas la loi Blondel …hmm.. C’est peut-être le prix à payer quand on veut adapter un élément originellement voué à un usage purement technique, à un usage plutôt hôtelier.
Je vois que je n’ai pas encore scruté la salle de bain aménagée en dessous de l’escalier, mais je pense avoir assez de temps pour le faire ultérieurement, je me hâte de visiter la mezzanine.
Je grimpe les marches, non sans difficultés, et à ma grande surprise, je retrouve une baignoire devant moi, au lieu d’un lit tel qu’on l’aurait imaginé, et quelle jolie baignoire en cuivre ! J’apprend un moment après qu’elle vient tout droit du Maroc et qu’elle a été fabriquée à la main à Marrakech. Juste à coté se trouve le lit Queen size de la marque Coco-Mat. L’espace est tellement éclairé naturellement que j’ai comme impression de ne pas avoir une intimité dans un lieu dédié au couchage. Cependant, je me ressaisis vite quand je jette un regard à travers les fenêtres et me rend compte que finalement je n’avais pas de vis-à-vis ! Après tout, je suis suspendue en l’air.
Bien que ce soit pour se distinguer de son environnement, des parties de la grue sont en couleurs vives pour d’autres raisons. Mon intuition d’architecte me disait que le rouge signalait des éléments de circulation verticale, mais il a suffi de faire quelques recherches pour comprendre que c’est plutôt un moyen de distinguer les ajouts additionnés à la structure primaire.
Ceci me fait plaisir car dans tous mes projets d’étudiante en architecture, j’accorde une attention particulière à ce que l’intervention nouvelle soit bien visible et distinguable du bâtiment existant.