Les chalets de Peter Zumthor et l’histoire des thermes

Oberhus, Unterhus et Türmlihus

Cette semaine je suis allée dans le hameau de Leis, qui appartient à la communauté de Vals, pour voir les trois chalets dessinés par Peter Zumthor, qu’il a l’opportunité d’habiter lorsqu’il est en congé. J’ai vu que lorsqu’il n’occupait pas ses chalets, il les mettait en location. Ils sont minimalistes, rustiques, mais à la fois contemporains : les baies sont situées en porte à faux et en nu extérieur, l’ossature de la toiture est pleinement apparente, à l’image des chalets autour, cependant, les pignons ne montent pas en toiture, contrairement aux autres chalets. Je me suis demandé quelques instants à quoi servaient les « murs » qui dépassent des façades, je pense qu’ils soutiennent la toiture. À l’intérieur, cela doit être une vraie immersion dans le paysage des grisons ! 

Un bar se situe juste en face des trois chalets en question, et c’est ici que j’ai croisé Alexander, le réceptionniste, le petit frère d’Amanda Wassmer-Bulgin, la sommelière du restaurant étoilé. Il l’attendait car elle accompagnait le Chef Mitja Birlopeter, pour l’élaboration du menu de Pâques pour Peter Zumthor. Il veut convier ses proches pour le repas à son chalet et leur offrir la cuisine du restaurant silver à domicile. Pendant ce temps, Alexander me racontait que le nom de l’hôtel « 7132 » était une référence au code postal de la ville, une anecdote amusante car depuis mon arrivée je me demandais à quoi ce chiffre faisait référence. 

Les thermes de Vals ont été construits suite à la faillite d’un complexe hôtelier. Celui-ci avait été imaginé en cinq hôtels par un promoteur allemand dans les années 1960 pour apporter du tourisme à Vals, une vallée perdue à l’époque, malgré qu’elle ne soit qu’à deux heures de Zurich. Peter Zumthor a donc été appelé pour bâtir un établissement thermal entre les cinq bâtiments existants, là où jaillit la source. C’était un choix surprenant à l’époque car Peter Zumthor n’avait pas encore beaucoup construit. 

J’ai revu Alexander dans la semaine car j’ai décidé de quitter ma chambre pour m’installer dans une autre, cette fois ci dessinée par Thom Mayne, revêtue de bois. Il m’a promis de me faire visiter l’hôtel, j’ai hâte de savoir tout ce qu’il se passe en coulisses! 

Inquiétante étrangeté

Je ne saurai comment décrire l’espace qui m’entoure. J’ai une impression d’inquiétante étrangeté.
Le lac est d’une profondeur indéfiniment vide. Les poissons sont encore au fond du lac en attendant les jours meilleurs. Parfois je vois des ombres bouger, mais je ne saurai définir ce qu’il s’y trouve.

La nuit, l’eau est très sombre comme le néant mais j’ai l’impression d’être observée depuis l’extérieur dans mes 6m². C’est peut-être pour ça que mes nuits sont agitées… Je ne me sens pas très rassurée. J’aurais préféré être dans des eaux turquoise. Mais j’ai quand même l’impression d’être à portée d’un autre univers qui me sera bientôt accessible.
Je sens que la glace disparaît de plus en plus. Je ressens d’ailleurs quelques remous parfois quand je suis à la surface de l’eau mais bizarrement à l’intérieur, dans ma chambre, cette sensation s’efface.

Je suis actuellement sur le ponton de ma maison avec des plaids et quelques bougies. Je m’accorde un petit plaisir « fika » avec quelques « Kanelbulle » achetés à la boulangerie en centre-ville. Il y a quelques mots comme ça que l’on finit par retenir.
Mardi j’ai aperçu des aurores boréales au-dessus du lac. Elles étaient légères mais tout de même bien là ! Être en plein milieu du lac est définitivement le meilleur endroit pour les observer ! Je m’étais d’ailleurs avancée davantage dans les profondeurs du lac pour m’éloigner de Västerås. Je n’étais pas gêné par la pollution lumineuse de la ville et je pouvais contempler le paysage en solitaire. Je ne m’attendais pas du tout à en voir. D’ailleurs, je rentrais simplement chez moi quand c’est arrivé. Il était tard, sûrement 23h30. Il n’y avait également pas de lune dans le ciel. Bref, c’était parfait et depuis je guette tous les soirs en espérant en revoir, mais la période des aurores polaires s’achèvera dans peu de temps…

Souvenir des aurores boréales au-dessus du lac Mälaren

QUIÉTUDE_INQUIÉTUDE

Les minutes passent, nous rassurons nos proches, nous essayons de trouver une solution de savoir où loger, et cela, pour une durée indéterminée. Nous sommes encore insouciants de ce qu’il se passe réellement, nous savions que le président de la République doit nous informer de la situation à 20 h 00. Nous décidons de loger dans l’hôtel où nous y trouvons. L’hôtesse d’accueil nous confit la clé de la chambre numéro 21, situé au deuxième étage.

Dès l’ouverture de la porte, nous sommes émerveillés par la sobriété de la chambre. L’association des différents tons de blanc et de beige apporte à la chambre beaucoup de charme. Le mobilier qui habille la chambre est très subtil, élégant, raffiné. Cette chambre dégage une atmosphère chaleureuse, apaisante. Nous observons chaque détail de cette pièce, jusqu’à être coupé de souffle par la salle de bain. Nous trouvons le même code couleurs que dans la chambre. Un grand meuble en marbre blanc ou est incrusté la vasque, une grande douche italienne à l’arrière de cette dernière, une baignoire inspirée des bains japonais, constitue cette sublime salle de bain.

Il est 18 h 30, je suis épuisé de cette journée. Je décide de me couler un bain pour me détendre et de profiter au maximum de chaque espace de cette chambre. Pendant ce temps, Jérome se détend sur l’un des fauteuils de la chambre à regarder les informations sur la télévision. Je me glisse dans cette eau suffisamment chaude, je ferme les yeux, je me laisse emporté par l’odeur des huiles de bain au jasmin et fleur d’oranger. Cette première expérience dans un bain japonais, m’a complètement convaincu et m’a permis de m’évader quelques instants. J’enfile un peignoir, je m’installe sur le second fauteuil à côté de Jérome pour écouter l’élocution de notre président, il est 20 h 00.

Le « Blue Cone »

Après mon séjour au Mirrorcube, j’avais envie de plus de simplicité. J’ai donc demandé à résider au Blue Cone. Je quitte alors mon cube flottant pour une construction traditionnelle en bois rouge singulier dans les arbres. Avec ses trois piliers au sol, cette nouvelle chambre donnait plus l’impression de stabilité que la précédente.

En arrivant, je remarque que le Blue Cone n’était pas très élevé par rapport au niveau du sol, mais en réalité, il se trouvait sur un terrain en pente. Ainsi, lorsque j’y entre par la rampe PMR qui permettait son accessibilité, je me sens tout à coup beaucoup plus en hauteur. La grande fenêtre carrée permettait un cadrage sur la colline surplombant la vallée de la rivière Lule.

Cette chambre permet d’accueillir quatre personnes avec son lit double, et ses deux lits simples sur une mezzanine. Mon premier réflexe est de me jeter sur le grand lit niché dans un alcôve, et j’admire la vue que me permet la fenêtre juste en face.

Curieuse de découvrir le reste de la chambre, je ne m’y attarde pas et monte sur la mezzanine en utilisant une échelle. Entre les deux lits simples, une fenêtre ronde, ressemblant à un hublot, offrait une vue sur les arbres de la forêt.

Toujours au sommet de l’échelle, je ne bouge plus, et je réfléchi au dilemme de ce soir. Dans quel lit allais-je dormir en premier ?

B4 Suite rooftop

Après avoir appréhendé la poésie de la Casa do Conto pendant un mois, je fais mes valises pour la deuxième partie de l’hôtel située dans une rue parallèle, la Tipografia do Conto. Il propose 10 chambres, je choisis la plus petite de l’hôtel, située au dernier étage avec sa vue dégagée et surtout, son balcon filant. Elle fait environ 11m2, large de 2,5m et longue de cinq. L’étroitesse de la pièce s’oublie immédiatement par son ouverture sur l’extérieur. Où que je sois dans la chambre, j’ai une vue sur le ciel, la terrasse, les oiseaux ou encore sur les nombreuses façades colorées. Les grands miroirs toute hauteur agrandissent l’espace et participent à cette continuité visuelle. L’extérieur s’invite dans la chambre et rend cet espace paisible, par ses ombres, ses reflets et les rayons de soleil déstructurés. Couchée sur le lit 160×200, je retrouve les poèmes gravés sur le plafond de béton. Les mots I like birds sont inscrits six fois sur le plafond incliné, ils n’auraient pas pu être mieux choisis.

plan de la suite B4

Tourismus

Samedi 20 Mars :

Durant ces trois jours, Alexis et moi avons pris le temps de visiter un peu la ville dans la limite du temps par jours que nous accorde le confinement. J’ai pu lui montrer les quelques lieux incontournables de la ville. Mercredi, nous sommes allés voir le Kapellbrücke et le Spreuerbrücke qui sont des ponts piétonniers en bois emblématiques de la ville.  Jeudi, nous nous sommes promenés le long des anciennes fortifications de la ville. Nous avons pu voir toutes les tours caractéristiques de ces remparts.  

Croquis in situ : Kapellbrücke

Hier, nous nous sommes éloignés un peu plus de notre hôtel. Nous avons d’ailleurs bravé quelque peu le temps de sortie autorisé. Alexis a fortement insisté pour aller voir le Panorama Bourbaki, qui est une peinture cylindrique de 10 mètres de haut sur 35,6 mètres de diamètre. Contrairement à ce que je lui avais soutenu, à ma grande surprise, le musée qui accueille cette incroyable œuvre d’art n’était pas fermé et nous avons pu y accéder. Juste après cela, nous sommes allés jusqu’au petit jardin en cœur de ville qui renferme la fameuse sculpture de Lion taillée dans la roche. J’ai trouvé l’endroit apaisant et serein, immergés dans un calme imparable nous avons pu observer ce monument mesure 10 mètres de longueur et 6 mètres de hauteur assis sur un banc. Une vieille dame, assise sur le banc d’à côté nous a expliqué qu’il a été sculpté en 1821 par Lukas Ahorn. C’est une sculpture qui commémore les soldats suisses morts en 1792 au service du roi de France, Louis XVI, lorsque les révolutionnaires prirent d’assaut le palais des Tuileries à Paris.

Photo du Löwendenkmal (Lion de Lucerne)

Aujourd’hui, j’ai voulu terminer cette semaine de visite avec un endroit assez spécial. Non loin de l’hôtel : la gare. L’édifice dans lequel nous sommes arrivés ne doit pas faire exception à ma curiosité architecturale. Dessinée par Santiago Calatrava Valls, elle a été mise en service en 1991 et présente une architecture très lumineuse avec notamment cette grande galerie vitrée qui compose la façade avant et qui accueille en étage supérieur des commerces et restaurants. Dans le premier poste, je vous avais parlé de l’arche qui trône sur le parvis de cet endroit : c’est en fait la structure de la porte principale de l’ancienne gare de 1896. Il est 17 h 30. J’attrape la main d’Alexis et l’emmène de l’autre côté du parvis, au bord du Lac. Nous marchons au bord de celui-ci et arrivons quelques minutes plus tard sous le toit du fameux KKL, le Palais de la culture et des congrès de Lucerne réalisé sous les plans de l’architecte Jean Nouvel. 

Tschuggen Bergoase

Trois jours se sont écoulés depuis mon arrivée au Tschuggen Grand Hotel à Arosa. J’ai pris le temps de m’installer dans ma somptueuse chambre et de découvrir les lieux en bonne et due forme. Il faut dire que la partie hôtel à elle seule est gigantesque entre les 130 chambres, les quatre restaurants, le bar et les salles de congrès et d’événements mais au moins je ne m’ennuie pas. En revanche, s’il y a bien une partie de l’hôtel que je n’ai pas encore visitée et que je souhaite voir à tout prix, c’est le Tschuggen Bergoase, le somptueux centre de bien-être conçu par l’architecte de grande renommée Mario Botta. 

Je n’ai jamais eu l’occasion d’appréhender physiquement une de ses oeuvres mais, en bonne étudiante, j’ai retenu quelques points de sa biographie. Architecte de nationalité Suisse, il côtoie deux des grands maîtres de la discipline à savoir Luis Kahn et Le Corbusier pour lequel il travaillera. Cette influence fait, au fur et à mesure, évoluer sa vision de l’architecture et sa conception s’oriente vers des formes pures, géométriques et imposantes qu’il met en valeur par des matériaux naturels et bruts dont son préféré, la brique. Enfin, il voue une extrême importance au site et à la lumière. Finalement, le Tschuggen Bergoase, achevé en 2006, est la parfaite démonstration de ses valeurs. 

Accessible depuis l’hôtel par une passerelle vitrée, l’édifice apparaît comme fondu dans son environnement. Dans une démarche respectueuse du site sur lequel il s’inscrit, l’ensemble du bâtiment est enterré dans le sol et seules les neuf lucarnes géométriques sont émergées du sol, représentant de grandes feuilles et se fondant dans la somptueuse forêt environnante. 

Photographie du centre fondu dans le paysage

Ayant observé le bâtiment de loin à plusieurs occasions, j’ai pu remarquer la double fonction des lucarnes qui varie au cours de la journée. Le jour, celles-ci permettent d’inonder le centre sous-terrain de lumière tandis que, la nuit, elles viennent éclairer le village et le refléter dans des tonalités multicolores stupéfiantes. 

Photographie des lucarnes de nuit

Si l’extérieur du centre fait rêver par son éthique, l’intérieur alimente ce rêve. Ce sont 5000 mètres carrés dédiés à la détente répartis sur quatre étages qui communiquent visuellement entre-eux et qui sont à la hauteur du standing cinq étoiles de l’hôtel.

Coupe sur le Tschuggen Bergoase montrant la répartition des étages sous-terrains et leur communication visuelle, l’arrivée depuis l’hôtel au troisième étage, la présence des piscines au quatrième et l’entrée tous publics au premier

Il paraît qu’à l’intérieur, nous retrouvons la volonté de Mario Botta de travailler avec des matériaux bruts et locaux. L’emploi du granit Duke White des Alpes et de la roche d’Arosa seraient de mise. Nous retrouverions également l’érable canadien et tous ces matériaux sont mis en valeur par les grands voiles en verre des lucarnes assemblés par des menuiseries en zinc-titane. 

Arrivant au troisième étage du centre par la passerelle, me voici à l’étage du sauna world tel qu’il est nommé.

Photographie de la passerelle communiquant avec l’hôtel

Je décide de me rendre au water world du quatrième étage avec piscines intérieures et extérieures, sauna extérieur et solarium. C’est l’occasion où jamais de me baigner dans une des plus belles piscines de Suisse et cela me permettra au mieux d’appréhender les espaces intérieurs.

22h59

Les nuits sont calmes ici, pas de bruit de voiture, aucun son parasite pour être juste ; seul le son des vagues qui s’écrasent sur la plage vient rompre ce silence, ces magnifiques vagues poussées par le vent. Et je ne vous parle pas des réveils. Chaque matin, les rayons du soleil traversent les généreuses baies vitrées de ma chambre, jusqu’à venir chauffer les draps…

Quelle chance de pouvoir prendre son petit déjeuner avec une vue comme celle-ci…

Je suis là que depuis une semaine, et je me suis déjà surpris à avoir une routine. Je me lève, je prends le petit déjeuner, suivi d’un bain en extérieur. C’est apaisant de pouvoir se laver devant ce paysage, un océan turquoise à perte de vue, et cette plage de cactus qui s’interpose entre l’océan et moi. C’est étrange mais agréable pour tous vous dire, être en extérieur avec une intimité d’intérieur. Je m’exhibe tout en restant caché…

J’aimerai réussir à vous décrire tous mes ressentis de ces moments magiques que je passe ici, mais il est vrai que je ne possède pas le vocabulaire me permettant de vous mettre en immersion. Et je n’oserai vous les décrire ; ce serait vous mentir et vous cacher une partie de toute ces merveilles.

Ce n’est pas contre vous, mais je viens de rejoindre des amis au bar ; je vous dis à la prochaine…

Confinés

Mardi 16 Mars

Une semaine entière est passé depuis mon dernier post. Pour tout vous dire la décision est tombée et nous sommes confinés, ici en Suisse. N’ayant pas trouvé de moyens pour rentrer avant la fermeture des frontières nous n’avons pas eu d’autres choix que de rester à Lucerne. Le temps n’a pas vraiment été clément et tout est fermé. 

À l’annonce de ce confinement Alexis et moi, nous sommes sentis coincés et enfermés, bloqués dans cet hôtel. Mais après une semaine entière à vivre ici, je suis reconnaissante de pouvoir expérimenter un tel lieu de manière si particulière. Je me retrouve quelque peu absorbée et impressionnée par la capacité de l’architecte Jean Nouvel à mener un projet qui nous permette autant de déverrouiller nos imaginaires et de nous faire voyager si loin uniquement en travaillant l’espace d’une manière spécifique. Finalement, je peux dire que je vais pouvoir me concentrer sur mon rôle de future architecte : j’ai pris la résolution de m’ouvrir à ce lieu et de vivre l’expérience pleinement en étudiant le moindre aspect de cet hôtel et de vous partager mes recherches et mon travail. 

Collage d’ambiance : sombre, lumière et mise en valeur du plafond illustré. Corner junior Suite

Comme nous serons amenés à changer de chambres autant que possibles pour expérimenter autant que faire se peut les lieux, Alexis et moi avons décidé de nous plonger pleinement dans l’univers de nos chambres en regardant les films qui y sont dévoilées sur les murs et plafonds. Après la découverte du premier film, The Pillow Book, dont je vous ai parlé la semaine dernière, je trouve que le choix de Jean Nouvel de plonger la chambre dans une atmosphère sombre colle totalement avec l’esprit de ce film. De plus, j’ai beaucoup questionné son choix de scène, c’est celle qui selon moi illustre parfaitement le film. Les éléments les plus importants du film comme la féminité, la calligraphie, l’homme, mais également l’érotisme y sont suggérés. 

Vous l’aurez compris, je suis bloquée ici, mais cela m’enchante énormément. Je suis excitée par le voyage qui m’attend dans cet hôtel et j’ai bien l’envie de vous dévoiler les secrets qu’il nous cache.