Limites floues, entre le construit et le non construit

La dernière semaine était synonyme de repos et d’apaisement. J’ai pu découvrir l’hôtel un peu plus, il existe 18 chambres, de tailles différentes, classique, supérieur, suite et suite exécutive, qui prennent place toutes dans les anciennes grottes. Elles jouissent d’un jeu de lumière caractéristique des habitations troglodytes. les terrasses sont très vastes et végétalisées de temps en temps. 

Il n’y a pas vraiment d’espace restaurant. Les repas, tous à partir de produits locaux,  se déroulent à l’intérieur d’une ancienne église rupestre du XIIIe siècle.

Une semaine s’est écoulée, j’ai pratiqué les lieux de jours et de nuits, et pourtant je n’ai pas l’impression d’avoir compris et assimilé le plan et l’organisation de l’hôtel. 

Le soir quand je me couche, j’entends les pas des habitants de l’hôtel au-dessus.

Les toits seraient-ils des terrasses? 

Les escaliers à l’intérieur des chambres laissent deviner un dénivelé et structurent les différents espaces.  existaient-ils avant la rénovation des lieux ? 

Les grottes étaient précédemment occupées par des familles entières, quels étaient leurs besoins? comment étaient agencés les espaces? Je remarque des trous, ici et par là, sur les terrasses extérieures. Ça doit surement être les anciennes citernes ! Chaque cave – ancienne habitation – devrait en posséder une, sûrement au niveau des salles de bains.

La matérialité des façades, principalement constituées de pierres identiques à celles des murs intérieurs, laissent deviner que les dimensions des grottes ont été agrandis, et que les pierres récupérées ont été réutilisées pour le traitement des façades.

Une terrasse principale vient desservir toutes les grottes, qui doivent être conçues selon un plan type barlong, sans ouvertures zénithales. À l’intérieur,  l’obscurité est prédominante, seule une fenêtre dans la façade d’entrée laisse pénétrer des rayons de lumière.

Les différentes tailles des chambres posent la question de la superposition de ces espaces. Les chambres les plus grandes, seraient logiquement tout en haut de la pyramide pour permettre une meilleure stabilité, et un jeu de vide plein plus cohérent. Pourtant notre chambre, la plus spacieuse, se trouve sur le niveau du rez -de -chaussée. Ces retraits de façades découlent-ils d’une organisation plutôt en alternance  ?  

Beaucoup d’hypothèses, je suis fatiguée, ce soir, j’ai plutôt envie de profiter du vin italien et de la brise, je continuerai mes recherches le lendemain.

L’antre de l’amour

Assez profiter du coucher de soleil, on se dirige vers l’accueil. Des panneaux en bois, avec marquer  à la craie blanche, réception nous guident. On se retrouve dans une grotte directement ouverte sur l’esplanade, sans portes. Un meuble construit en pierre sert de bureau, l’espace n’est pas vraiment aménagé, le mobilier reste rare et minimaliste. L’espace est assez sombre et pas très grand, et on arrive à sentir une odeur, qu’on n’arrive pas à distinguer.  Un mélange de senteurs, des notes un peu boisées, un peu métalliques, ou encore d’humidité. On récupère nos clefs et on se dirige vers notre chambre. On rencontre un couple italien qui vient  se ressourcer et profiter de leurs retraites. On discute quelques minutes, il fait frais. Ils habitent la grotte voisine à la nôtre. On décide de prendre, plus tard, l’apéritif ensemble en terrasse. 

Le numéro de notre grotte est le 4. On ouvre la porte, qui est assez large. L’espace est assez intrigant, à la fois défini et indéfini. On descend trois petites marches, pour se retrouver dans un espace salle à manger – chambre.  L’espace est plus long que large, sous voûte. Le tout enveloppé dans un écrin de pierre. On a un léger sentiment de tunnel. L’espace est éclairé uniquement par des bougies ou des spots encastrés au sol dont la lumière jaunâtre met en valeur le caractère et fait ressortir le volume de la pierre. Des niches toute hauteur, où de plus petite taille, créent un jeu de profondeur. Le mobilier est entièrement en bois foncé, les draps de lit en laine tressés et une niche toute hauteur sert de tête de lit.  Un tabouret sert de table de nuit, et deux bouteilles de vin nous attendent sur la table. Tout au bout de la pièce, on aperçoit la salle de bain, qui vient s’agencer à l’intérieur d’un second espace sous voûte, séparé par un arc, et ouvert sur la chambre. Une atmosphère plus intime. La baignoire est dessinée avec des lignes courbes, pas trop haute, ni très grande.  Un banc en bois sert à déposer les serviettes de bain, deux bougies ainsi que les huiles essentielles. Les bougies sont posées par terre, et créent un cheminement vers la baignoire. Une fenêtre haute laisse entrevoir la lune.

Figé dans le temps

Une envie d’évasion, de déconnexion avec le monde et de reconnexion avec la nature. Matera, on a l’impression que la ville a été figée dans le temps. Des ruelles étroites, la pierre qui prédomine le paysage.

Des lumiéres jaunes intenses, qui viennent souligner et donner plus de charme et de caractére à ces façades sculptées dans la roche. Je commence ma montée. Un premier petit escalier, 200m et puis on tourne à droite, des boutiques rythment les  rues, aux vitrines  simples, épurées, aux tons neutres. Une brise se fait sentir, le crépuscule approche. On presse le pas, et on continue la montée. 

Les ruelles se ressemblent, se croisent et s’entremêlent.  Des niches sculptées ici, des fontaines par là, toujours et encore en pierre. Des bougainvilliers ou autres plantes grimpantes viennent colorer et marquer le paysage. 

On commence à percevoir les grottes. Le troglodytisme est reflété par un jeu de pleins et de vides. Qui a son tour est appuyé et mis en valeur par le traitement minimaliste de la façade. Le bois des menuiseries contraste et fait ressortir la pierre. Une place se dégage, très intime, ouverte mais délimitée. Une petite table en bois et deux chaises semblent perdues mais utiles en même temps. Fatigués de la route, on décide de s’asseoir et de profiter du panorama. Le crépuscule plonge la ville dans une ambiance de films romantiques. On s’y sent bien, l’air est frais. j’enlève mes claquettes, la pierre est grenue mais encore chaude du soleil du matin, je m’enfonce dans ma chaise et je relâche les bras, détendue et apaisée.