La nature est reine

Il m’a fallu très peu de temps pour comprendre la volonté de construire un hôtel dans ce paysage magnifique, en revanche, il m’a fallu plus de temps pour comprendre tout les enjeux auxquels réponds le Juvet Landscape Hotel. Il n’a rien à envier aux hôtels traditionnels, avec des chambres conventionnelles empilées dans un grand bâtiment. Le Juvet Lanscape Hotel est un « hôtel paysager ». Un nom mais aussi un concept qui lui a été donné d’un commun accord entre le maître d’ouvrage Knut Slinning, résident local, et les architectes Jensen & Skodvin, convaincus par l’idée que la durabilité dans l’architecture ne doit pas se concentrer uniquement sur la réduction de la consommation d’énergie lors de la production et l’exploitation mais également sur la préservation de la topographie. Son nom « hôtel paysager » s’illustre par son organisation avec des chambres parsemées sur tout le terrain sous forme de petites maisons individuelles.

Plan masse de l’hôtel

L’hôtel se compose de plusieurs espaces distincts : une salle de cérémonie, un espace bien-être, et des chambres paysagère ou des chambres nids. Chaque espace est autonome, inséré dans le paysage sans le transformer. Les constructions de posent sur la topographie existante. Les maisons sont des invités sur le site.

Landscape Room
Bird House

L’hôtel a été pensé avec la volonté de construire un projet qui peut être enlevé sans laisser de cicatrice dans le paysage. Ce souhait d’une intervention minimale nait d’une conviction partagé entre maître d’œuvre et architectes : « Conserver le site est une manière de respecter le fait que la nature précède et succède l’homme. ». Au Juvet Landscape Hotel, la nature guide nos vies et nos choix, et nous lui devons le respect. Devant ces paysages extraordinaires, la nature reprend ses droits et nous fait découvrir toute la beauté qu’elle détient. Pour espérer s’immerger, nous devons prendre le temps de nous arrêter, de nous « déconnecter » de ce que nous connaissons du monde pour laisser la nature nous réapprendre à vivre.

Un séjour ressourçant

Voilà maintenant quelques semaines que j’habite cet hôtel. J’ai essayé de me promener pour découvrir la région, malheureusement il n’y a pas grand-chose à voir à part le désert a perte de vue. Evidemment, j’ai fait le tour du cratère, celui qui se trouve face à l’hôtel, le plus grand du monde apparemment, dont nous avons une vue imprenable depuis la terrasse du restaurant. C’était impressionnant, mais la chaleur m’a vite monté à la tête. En voici quand même un aperçu.

Finalement c’est bien dans ma chambre que je passe le plus de tps. Elle est très spacieuse et le fait que ça soit une petite maison m’offre vraiment une intimité, je suis dans ma bulle. En plus je bénéficie de ma propre piscine sur la largeur de la chambre, environ 4m de large. Les seuls regards qui peuvent m’embêter à ce moment-là sont les chèvres présentes partout sur le site. J’ai réalisé un petit plan à la main pour vous donner une idée.

Parfois je vais à la grande piscine, celle dont tous les touristes parlent. Insoupçonnable depuis la rue elle semble se vider dans le cratère qui lui fait face. Là j’y ai rencontré des Allemands, ils y sont tous les jours parce qu’ils n’ont pas la chance d’avoir une piscine privative en habitant à l’étage. Malgré ça, eux non plus ne sont pas déçu de l’hôtel et d’avoir quitté la crise sanitaire. Ici, perdus au milieu de nulle part, on a l’impression que tout ça n’existe pas. J’irai en ville bientôt, peut-être que je me rendrai compte alors qu’ici aussi la covid est bien présente mais surtout, l’ambiance de la ville de Mitzpe Ramon est si particulière que mes nouveaux amis m’en ont longuement parlé pendant que nous sirotions notre mojito au bord de la piscine. Tellement qu’ils m’ont presque gâché la surprise ! J’ai vraiment hâte de sortir un peu, mais je vous en parlerai la prochaine fois, car là, je finis ma sieste au bord de l’eau.

Francesinha, Quesaco ?

Jeudi :

Je me suis levé de bonne humeur, léger mal de tête en arrière-plan sûrement à cause du soleil de la veille.

Comme tous les jours mon petit déj m’attend. J’ai décidé de faire un relevé minimaliste des façades de la villa extramuros, qui ont chacune une petite variation très intéressante.

Je vous les montre ce soir.
Ah oui, aussi, François m’a très gentiment donné un plan d’Evora, je pense que je vais prévoir la mission siza pour dans quelques jours.
Je viens d’aller donner à manger aux moutons de l’Alentejo qui paissent devant la villa et me voilà parti, le moleskine dans la poche et mes membres comme unité de mesure.


Samedi :

Façades de la villa

Malheureusement, le confinement est trop important maintenant et me voilà coincé à la villa extramuros sans possibilité de me rendre à Evora. Il ne fait pas beau aujourd’hui et je dessine une perspective depuis la piscine qui magnifie la villa extramuros et sa vue de ¾.

Je m’ennuie un peu, il y a très peu de choses à faire, tout le monde a décidé de rentrer de vacances.

Lundi :

C’est mon anniversaire ! Au menu une petite Francesinha, concoctée par jean Christophe. C’est un plat portugais qui ne donne franchement pas très envie, mais il n’est jamais trop tard pour essayer.

Nous mangeons dans le salon face à la piscine devant la grande baie vitrée.

Je me suis assis sur l’un des fauteuils signés Philippe Starck de chez Driad, « cafe costes chair » qui est très beau et minimaliste. Le soin est porté sur le mobilier selon les ambiances. Le petit coin bibliothèque marche très bien avec ces chaises driad.
Cet endroit est assez merveilleux en terme d’émotions architecturales. En face, la cheminée noire et sa tête de taureau accrochée, à gauche une grande baie verticale qui donne sur le patio et plus loin la cuisine et l’escalier et à droite la grande baie horizontale qui nous projette vers le grand paysage. Je prends un livre sur la table basse, le retourne dans tous les sens, regarde la tranche puis le repose. Je vais jeter un coup d’œil à la bibliothèque, peut-être trouverai-je mon bonheur.

Les chalets de Peter Zumthor et l’histoire des thermes

Oberhus, Unterhus et Türmlihus

Cette semaine je suis allée dans le hameau de Leis, qui appartient à la communauté de Vals, pour voir les trois chalets dessinés par Peter Zumthor, qu’il a l’opportunité d’habiter lorsqu’il est en congé. J’ai vu que lorsqu’il n’occupait pas ses chalets, il les mettait en location. Ils sont minimalistes, rustiques, mais à la fois contemporains : les baies sont situées en porte à faux et en nu extérieur, l’ossature de la toiture est pleinement apparente, à l’image des chalets autour, cependant, les pignons ne montent pas en toiture, contrairement aux autres chalets. Je me suis demandé quelques instants à quoi servaient les « murs » qui dépassent des façades, je pense qu’ils soutiennent la toiture. À l’intérieur, cela doit être une vraie immersion dans le paysage des grisons ! 

Un bar se situe juste en face des trois chalets en question, et c’est ici que j’ai croisé Alexander, le réceptionniste, le petit frère d’Amanda Wassmer-Bulgin, la sommelière du restaurant étoilé. Il l’attendait car elle accompagnait le Chef Mitja Birlopeter, pour l’élaboration du menu de Pâques pour Peter Zumthor. Il veut convier ses proches pour le repas à son chalet et leur offrir la cuisine du restaurant silver à domicile. Pendant ce temps, Alexander me racontait que le nom de l’hôtel « 7132 » était une référence au code postal de la ville, une anecdote amusante car depuis mon arrivée je me demandais à quoi ce chiffre faisait référence. 

Les thermes de Vals ont été construits suite à la faillite d’un complexe hôtelier. Celui-ci avait été imaginé en cinq hôtels par un promoteur allemand dans les années 1960 pour apporter du tourisme à Vals, une vallée perdue à l’époque, malgré qu’elle ne soit qu’à deux heures de Zurich. Peter Zumthor a donc été appelé pour bâtir un établissement thermal entre les cinq bâtiments existants, là où jaillit la source. C’était un choix surprenant à l’époque car Peter Zumthor n’avait pas encore beaucoup construit. 

J’ai revu Alexander dans la semaine car j’ai décidé de quitter ma chambre pour m’installer dans une autre, cette fois ci dessinée par Thom Mayne, revêtue de bois. Il m’a promis de me faire visiter l’hôtel, j’ai hâte de savoir tout ce qu’il se passe en coulisses! 

Inquiétante étrangeté

Je ne saurai comment décrire l’espace qui m’entoure. J’ai une impression d’inquiétante étrangeté.
Le lac est d’une profondeur indéfiniment vide. Les poissons sont encore au fond du lac en attendant les jours meilleurs. Parfois je vois des ombres bouger, mais je ne saurai définir ce qu’il s’y trouve.

La nuit, l’eau est très sombre comme le néant mais j’ai l’impression d’être observée depuis l’extérieur dans mes 6m². C’est peut-être pour ça que mes nuits sont agitées… Je ne me sens pas très rassurée. J’aurais préféré être dans des eaux turquoise. Mais j’ai quand même l’impression d’être à portée d’un autre univers qui me sera bientôt accessible.
Je sens que la glace disparaît de plus en plus. Je ressens d’ailleurs quelques remous parfois quand je suis à la surface de l’eau mais bizarrement à l’intérieur, dans ma chambre, cette sensation s’efface.

Je suis actuellement sur le ponton de ma maison avec des plaids et quelques bougies. Je m’accorde un petit plaisir « fika » avec quelques « Kanelbulle » achetés à la boulangerie en centre-ville. Il y a quelques mots comme ça que l’on finit par retenir.
Mardi j’ai aperçu des aurores boréales au-dessus du lac. Elles étaient légères mais tout de même bien là ! Être en plein milieu du lac est définitivement le meilleur endroit pour les observer ! Je m’étais d’ailleurs avancée davantage dans les profondeurs du lac pour m’éloigner de Västerås. Je n’étais pas gêné par la pollution lumineuse de la ville et je pouvais contempler le paysage en solitaire. Je ne m’attendais pas du tout à en voir. D’ailleurs, je rentrais simplement chez moi quand c’est arrivé. Il était tard, sûrement 23h30. Il n’y avait également pas de lune dans le ciel. Bref, c’était parfait et depuis je guette tous les soirs en espérant en revoir, mais la période des aurores polaires s’achèvera dans peu de temps…

Souvenir des aurores boréales au-dessus du lac Mälaren

QUIÉTUDE_INQUIÉTUDE

Les minutes passent, nous rassurons nos proches, nous essayons de trouver une solution de savoir où loger, et cela, pour une durée indéterminée. Nous sommes encore insouciants de ce qu’il se passe réellement, nous savions que le président de la République doit nous informer de la situation à 20 h 00. Nous décidons de loger dans l’hôtel où nous y trouvons. L’hôtesse d’accueil nous confit la clé de la chambre numéro 21, situé au deuxième étage.

Dès l’ouverture de la porte, nous sommes émerveillés par la sobriété de la chambre. L’association des différents tons de blanc et de beige apporte à la chambre beaucoup de charme. Le mobilier qui habille la chambre est très subtil, élégant, raffiné. Cette chambre dégage une atmosphère chaleureuse, apaisante. Nous observons chaque détail de cette pièce, jusqu’à être coupé de souffle par la salle de bain. Nous trouvons le même code couleurs que dans la chambre. Un grand meuble en marbre blanc ou est incrusté la vasque, une grande douche italienne à l’arrière de cette dernière, une baignoire inspirée des bains japonais, constitue cette sublime salle de bain.

Il est 18 h 30, je suis épuisé de cette journée. Je décide de me couler un bain pour me détendre et de profiter au maximum de chaque espace de cette chambre. Pendant ce temps, Jérome se détend sur l’un des fauteuils de la chambre à regarder les informations sur la télévision. Je me glisse dans cette eau suffisamment chaude, je ferme les yeux, je me laisse emporté par l’odeur des huiles de bain au jasmin et fleur d’oranger. Cette première expérience dans un bain japonais, m’a complètement convaincu et m’a permis de m’évader quelques instants. J’enfile un peignoir, je m’installe sur le second fauteuil à côté de Jérome pour écouter l’élocution de notre président, il est 20 h 00.

Le « Blue Cone »

Après mon séjour au Mirrorcube, j’avais envie de plus de simplicité. J’ai donc demandé à résider au Blue Cone. Je quitte alors mon cube flottant pour une construction traditionnelle en bois rouge singulier dans les arbres. Avec ses trois piliers au sol, cette nouvelle chambre donnait plus l’impression de stabilité que la précédente.

En arrivant, je remarque que le Blue Cone n’était pas très élevé par rapport au niveau du sol, mais en réalité, il se trouvait sur un terrain en pente. Ainsi, lorsque j’y entre par la rampe PMR qui permettait son accessibilité, je me sens tout à coup beaucoup plus en hauteur. La grande fenêtre carrée permettait un cadrage sur la colline surplombant la vallée de la rivière Lule.

Cette chambre permet d’accueillir quatre personnes avec son lit double, et ses deux lits simples sur une mezzanine. Mon premier réflexe est de me jeter sur le grand lit niché dans un alcôve, et j’admire la vue que me permet la fenêtre juste en face.

Curieuse de découvrir le reste de la chambre, je ne m’y attarde pas et monte sur la mezzanine en utilisant une échelle. Entre les deux lits simples, une fenêtre ronde, ressemblant à un hublot, offrait une vue sur les arbres de la forêt.

Toujours au sommet de l’échelle, je ne bouge plus, et je réfléchi au dilemme de ce soir. Dans quel lit allais-je dormir en premier ?

B4 Suite rooftop

Après avoir appréhendé la poésie de la Casa do Conto pendant un mois, je fais mes valises pour la deuxième partie de l’hôtel située dans une rue parallèle, la Tipografia do Conto. Il propose 10 chambres, je choisis la plus petite de l’hôtel, située au dernier étage avec sa vue dégagée et surtout, son balcon filant. Elle fait environ 11m2, large de 2,5m et longue de cinq. L’étroitesse de la pièce s’oublie immédiatement par son ouverture sur l’extérieur. Où que je sois dans la chambre, j’ai une vue sur le ciel, la terrasse, les oiseaux ou encore sur les nombreuses façades colorées. Les grands miroirs toute hauteur agrandissent l’espace et participent à cette continuité visuelle. L’extérieur s’invite dans la chambre et rend cet espace paisible, par ses ombres, ses reflets et les rayons de soleil déstructurés. Couchée sur le lit 160×200, je retrouve les poèmes gravés sur le plafond de béton. Les mots I like birds sont inscrits six fois sur le plafond incliné, ils n’auraient pas pu être mieux choisis.

plan de la suite B4

Tourismus

Samedi 20 Mars :

Durant ces trois jours, Alexis et moi avons pris le temps de visiter un peu la ville dans la limite du temps par jours que nous accorde le confinement. J’ai pu lui montrer les quelques lieux incontournables de la ville. Mercredi, nous sommes allés voir le Kapellbrücke et le Spreuerbrücke qui sont des ponts piétonniers en bois emblématiques de la ville.  Jeudi, nous nous sommes promenés le long des anciennes fortifications de la ville. Nous avons pu voir toutes les tours caractéristiques de ces remparts.  

Croquis in situ : Kapellbrücke

Hier, nous nous sommes éloignés un peu plus de notre hôtel. Nous avons d’ailleurs bravé quelque peu le temps de sortie autorisé. Alexis a fortement insisté pour aller voir le Panorama Bourbaki, qui est une peinture cylindrique de 10 mètres de haut sur 35,6 mètres de diamètre. Contrairement à ce que je lui avais soutenu, à ma grande surprise, le musée qui accueille cette incroyable œuvre d’art n’était pas fermé et nous avons pu y accéder. Juste après cela, nous sommes allés jusqu’au petit jardin en cœur de ville qui renferme la fameuse sculpture de Lion taillée dans la roche. J’ai trouvé l’endroit apaisant et serein, immergés dans un calme imparable nous avons pu observer ce monument mesure 10 mètres de longueur et 6 mètres de hauteur assis sur un banc. Une vieille dame, assise sur le banc d’à côté nous a expliqué qu’il a été sculpté en 1821 par Lukas Ahorn. C’est une sculpture qui commémore les soldats suisses morts en 1792 au service du roi de France, Louis XVI, lorsque les révolutionnaires prirent d’assaut le palais des Tuileries à Paris.

Photo du Löwendenkmal (Lion de Lucerne)

Aujourd’hui, j’ai voulu terminer cette semaine de visite avec un endroit assez spécial. Non loin de l’hôtel : la gare. L’édifice dans lequel nous sommes arrivés ne doit pas faire exception à ma curiosité architecturale. Dessinée par Santiago Calatrava Valls, elle a été mise en service en 1991 et présente une architecture très lumineuse avec notamment cette grande galerie vitrée qui compose la façade avant et qui accueille en étage supérieur des commerces et restaurants. Dans le premier poste, je vous avais parlé de l’arche qui trône sur le parvis de cet endroit : c’est en fait la structure de la porte principale de l’ancienne gare de 1896. Il est 17 h 30. J’attrape la main d’Alexis et l’emmène de l’autre côté du parvis, au bord du Lac. Nous marchons au bord de celui-ci et arrivons quelques minutes plus tard sous le toit du fameux KKL, le Palais de la culture et des congrès de Lucerne réalisé sous les plans de l’architecte Jean Nouvel.