STABILISATION _ DESTABILISATION

Cela fait maintenant 90 jours que je suis confiné dans cet hôtel au cœur de Paris avec mon copain Jérome. Nous sommes tous deux en télétravail depuis 20 jours, être en télétravail dans une suite d’hôtels s’est compliqué, le manque d’espace de travail, l’atmosphère non appropriée pour travail à long terme, les problèmes de Wi-Fi, le manque de communication directe avec nos collègues de travail, etc. Ce nouveau mode de travail est difficile à mettre en place, le travail en présentiel est tout de même meilleur pour le mentale et pour la réalisation des tâches à effectuer. 

Dans cette routine, qui commence à être pesante, le président nous annonce ENFIN, le déconfinement. Nous pouvons « vivre » comme avant, avec bien évidemment des restrictions strictes, port du masque, couvre-feu, etc.

Je réssent le besoin de partir de cet hôtel une journée seule afin de découvrir une nouvelle ville et de me recentrer sur moi-même. Je téléphone à mon ami Pierre, afin de lui proposer une expérience. J’oublie le décalage horaire, comme à chaque fois, mais il me décroche toujours. Je lui propose qu’on organise un voyage à l’un et l’autre sans dire la destination. Par chance, il adore le concept et accepte avec grand plaisir. On se donne une semaine pour organiser le voyage. 

Il est 19 h 20, nous éteignions nos ordinateurs afin de marquer la fin de notre journée, avec Jérome. Le bar de l’hôtel à rouvert ce matin, mais uniquement à « emporter ». Il fait beau, le soleil est encore bien haut dans le ciel, il fait encore chaud. Nous décidons de prendre un bon verre de vin Blanc et de le déguster sur les fauteuils de la terrasse de notre suite. Nous échangeons sur notre journée de travail, je profite de ce moment pour lui parler de l’expérience voyage que je vais réaliser avec Pierre. Il est super content du concept et il me conseille même sur certaines villes. Je m’arrête sur la ville Recife à 10 h 00 de bus de Barra Mar, ou Pierre séjourne dans son hôtel. Je réserve les billets de bus aller-retour, avec une nuit sur place. J’aime déstabiliser Pierre et je sais qu’il est un peu tête en l’air, je lui envoie par mail les billets de bus sans préciser la destination et sans lui informer qu’il reste une nuit sur place. 

Nous avons très hâte, d’avoir Pierre en Facetime pour qu’il nous raconte son expérience !

HABITUDES _ OCCASIONS

En ce joli début de semaine ensoleillé, cela fait 70 jours que je suis confiné dans cet hôtel avec Jérome. Les jours, les semaines, les week-ends se ressemble plus ou moins. Nous essayons tant bien que mal de ne pas avoir de routine parce que nous n’aimons pas ça, nous aimons vivre le jour au jour. Hum, c’est plutôt Jérome qui vit le jour au jour, c’est l’une des qualités dont il procède et que j’apprends de lui, grâce à ce confinement ensemble. Je suis plutôt de nature à tout contrôler les étapes de la vie, d’anticiper les imprévus et de ne jamais lâcher prise. Je me rends compte jour après jour que les imprévus, le lâcher pris, font partie de la vie et peuvent rendre certains moments encore plus agréables à vivre. 

Concernant, la crise sanitaire, elle est toujours présente, et pas résolue. Nous pouvons sortir dans un rayon bien précis en km et d’une durée de seulement 2 h 00, nous ne respectons pas chaque jour cette durée, ni cette distance. Nous avons tous deux cette envie, ce besoin de découvrir de nouveau lieu, de nouvelle chose. En 70 jours de confinement, nous connaissons les moindres recoins du 9e arrondissement et des arrondissements voisins. Parfois, nous décidons de se balader dans d’autres arrondissements. Nous aimons très particulièrement le 15e arrondissement, de par sa proximité des commerces, des centres culturels, certes fermé actuellement, mais son nombreux, la proximité des arrondissements du 16e, 14e, 7e, 6e, son ambiance, ses parcs, son architecture contemporaine, etc. 

Concernant l’hôtel, le bistro est toujours fermé donc nous mangeons chaque repas dans notre suite, soit dans le salon devant la télévision, ou soit sur la terrasse qui donne vue sur les toits parisiens. De temps en temps, nous décidons d’aller pique-niquer dans un parc ou devant la Seine pour changer de lieu, et d’air. De temps en temps, le chef de cuisine donne des leçons de cuisines afin de nous occuper et de nous divertir. Le bar et le spa sont toujours fermés, mais devront bientôt ouvrir avec les gestes barrières et un protocole sanitaire strict. À ce jour, nos plantes sont toujours en vie, elles donnent vie à notre suite, entre autres dans le salon et sur la terrasse. Elles nous permettent d’avoir une petite touche à nous dans un lieu qui n’est pas à nous, mais où nous vivons depuis 70 jours. 

Aujourd’hui, c’est le 70e jour de confinement, et notre premier jour de télétravail. Jérome est ingénieur dans une entreprise dans la région parisienne, et moi, je suis une jeune architecte dans une agence à Nancy. C’est toute une nouvelle organisation que nous devons avoir dans notre quotidien, nos deux métiers demandent beaucoup d’organisation et de concentration. En ce premier jour de télétravail, je me suis installé sur le bureau du salon, et Jérome, c’est installé sur la terrasse. Il est 9 h 00, nous commençons notre journée par un visio avec nos boss pour faire un point sur nos projets.

ENTRAIDE _ ÉCHANGE

Mon téléphone sonne, AH, c’est mon ami Pierre ! Je suis toujours très contente quand il me téléphone pour me donner des nouvelles. Il me fait découvrir son voyage à l’aide de petites vidéos, des photographies, etc. J’ai la sensation de voyager quelques instants et de quitter la Paris. Les paysages sont toujours riches en émotion, sublime, et dépaysants. 

Pierre me téléphone au bon moment, pour une fois, parce que j’ai un problème sur l’orientation et les questions de cheminement dans un projet que je réalise de mon côté. Eh oui, je suis confiné, c’est comme des vacances, mais j’aime tellement mon métier que j’ai ce besoin de m’évader une heure ou deux de temps en temps dans ma « bulle ». C’est mon temps rien qu’à moi, où personne ne doit me déranger. 

Avant de nous lancer dans un échange de projet, nous faisons la visite en direct de nos hôtels. Je suis sous le charme de l’ambiance que dégage l’hôtel où séjourne Pierre depuis quelques semaines maintenant. La vue est à couper le souffle, la qualité des espaces et des services que propose l’hôtel son incroyable. Je mets mon masque et je fais également la visite guidée de l’hôtel De Nell à Pierre. Sa première réflexion m’a fait rire, parce qu’il a identifié l’hôtel à ma façon d’être, hautaine de premiers abords et très simple aux seconds abords. Nous comparons nos hôtels en matière de prestation, d’espace, de prix, etc. Nous avons le même ressenti sur notre confort de vie en ce moment, la vie d’hôtel est plaisante sur une courte durée, et devient peu à peu lassante sur une longue durée. 

De retour dans ma suite, je m’installe au petit bureau, je profite d’avoir Pierre en visio pour lui demander son point de vue sur un projet. Il est toujours de bon conseil, et il a un regard extérieur au projet. Pendant, plus d’une heure nous échangeons, afin de trouver une solution pertinente. 

Il est 22 h 38, à Paris, Jérome m’interrompt parce que son ventre gargouille. Oups, je n’avais pas vu l’heure, ni la surprise qu’il m’a faite ! Je raccroche avec Pierre.

Studio évènementiel

Dans cet hôtel il y a bien plus insolite que ces suites perchées en hauteur. Ce sont les soirées et les évènements avec « le spectacle le plus choquant et passionnant où vos fantasmes se réalisent ».

A 15 mètres se trouve ‘le studio intime’ là où sont organisées les soirées musicales avec Dj professionnels et des diffusions en direct, ce qui permet d’accroitre la notoriété de ces DJ et faire du bon marketing à certains sponsors.Je trouve que l’emplacement du studio dans la grue est très bien réfléchi, puisqu’il permet de garder le public éloigné des suites perchées sur 36 mètres. Ceci permet-il aussi de limiter les nuisances sonores ? En tous les cas, mon séjour était plutôt calme, si ce n’est la nuisance du port industriel à côté qui m’interpellait, rien ne se passait dans l’hôtel. Je pense bien que ce soit dû à la période du Coronavirus, durant laquelle les rassemblements sont très limités et les évènements en lieux clos sont interdits.

Le studio me semble évolutif puisqu’il fait également office d’un restaurant où il est possible de profiter d’un diner romantique avec une vue imprenable sur les bateaux qui naviguent autours. La capacité d’accueil est cependant limitée à 10 personnes à raison de trois tables, et il faut bien sûr réserver bien à l’avance.
Me concernant, j’ai préféré manger dans les restaurants et les cafés qui sont assez nombreux dans la zone NDSM en profitant du musée de Graffiti à ciel ouvert qui m’entourait.

Retour à Nancy

DIMANCHE 31 Mai :

Il est temps de quitter les lieux. Alexis et moi avons passé la semaine à profiter du beau temps sur la terrasse de la suite 5701 que nous avions retrouvé. Peu à peu les restaurants et les musée ont ouverts à nouveaux et nous avons pu profiter pleinement de ces deux dernières semaines pour visiter la ville et profiter de ce petit air de vacances.

C’est avec la tête chargée de souvenirs que je repars pour la France. J’ai pu prendre conscience de l’importance de l’imaginaire au sein d’un projet, de la capacité qu’un imaginaire développé a à immerger le sujet percevant dans un monde tout autre, loin de son quotidien. Jean Nouvel est un modèle dans l’art de concevoir et de faire voir l’architecture autrement. Cette expérience est à jamais gravée dans ma mémoire. 

Durant les 5 heures qui ont suivi, nous avons passé en revue tous les meilleurs moments que nous avons passés pendant ce voyage qui s’est avéré plus long que prévu. C’est une expérience qui m’a permis de grandir, d’évoluer et de réfléchir et de vivre l’architecture autrement. 

Arrivés à Nancy, las de notre journée de trajet, nous empruntons l’ascenseur avec nos bagages. Je tourne la clé dans la serrure de mon appartement et rentre dans mon petit intérieur … 

Retour net à la réalité : mon appartement me parait maintenant bien plus petit, ma plante n’a pas survécu à mon absence prolongée et mes murs et plafonds me paraissent blancs, bien trop blancs. 

Mystique

Après un séjour dans les deux premières suites de l’hôtel, je suis passée à la suite Mystique. Elle surplombe le lac IJ et la ville d’Amsterdam, et risque de me causer du tournis pour le reste de mon séjour.
Dès que je franchis la porte d’entrée, je suis transportée dans une atmosphère sombre et intime, à la différence des deux autres suites avec un ton plus clair et un intérieur illuminé.

Bien que l’agencement des différentes parties de la pièce soit quasiment le même que dans la suite Free Spirit, le mobilier choisi ainsi que la peinture et la matérialité de chaque élément font bien la différence entre les deux chambres. En effet, la suite en duplex de 36m² est aménagé d’un premier niveau abritant le salon et une salle de bain séparée qui comporte des parties d’un ancien croiseur océanique englouti.

Le second niveau comprend quant à lui une zone de couchage avec un énorme lit King Size Coco-Mat, et une baignoire design Villeroy & Boch qui nous accueille dès qu’on atteint les dernières marches de l’escalier.

Une particularité de la suite est son toit doré conçu avec des papiers peints choisi spécifiquement pour donner un rendu avec relief. Ceci me donne l’impression d’être une continuité aux tissus choisis pour le lit et les rideaux. Le tout dans une palette de couleur nuancée entre le noir et le doré.

Façades de la grue

Il est vrai que sans ces documents graphiques de l’hôtel, j’aurai entrepris difficilement une analyse de ses façades. En effet, je le rappelle, les couleurs ont été choisies en lien avec quelques éléments nautiques dans le paysage portuaire environnant, les navires légers, une grue au loin et l’île du REM.

On peut comprendre de ces documents que les deux suites rajoutées sont identiques, avec un même emplacement des ouvertures et un même ratio du vide/plein. Quant à la suite entre les deux, qui fût autrefois la salle des machines, ses couleurs et sa composition d’origine ont été restaurées pour contribuer à ce témoignage d’un patrimoine industriel.

Fin de l’odyssée

C’est ma dernière semaine en Suède. J’ai vécu une odyssée de 3 mois sur le Utter-inn que je n’oublierai pas. En retournant chez moi je vais retrouver l’affluence de la ville. Le calme et le silence de cet hôtel vont me manquer…

J’ai vu qu’il y avait un livre d’expérience dans un des tiroirs sous ma bouilloire. J’y ai laissé un petit mot et quelques-uns de mes dessins, pour partager l’ambiance de mon séjour. C’était une expérience inoubliable.

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J’ai passé mes derniers jours avec mes amis suédois. On a refait des barbecues tous ensemble et j’ai décidé que je passerai mon dernier jour seule à Stockholm avant que l’avion ne décolle.
C’est toujours dur de partir…

Ce matin j’ai donc fait mes bagages et je suis partie pour Stockholm. J’ai visité le reste de la ville en métro, et c’était vraiment dépaysant. Ça en devenait plaisant de prendre les transports en commun, j’avais l’impression de visiter des cavernes artistiques.
La station qui m’a le plus marqué est le T-Centralen, non loin de la vieille ville.

Mis à part mes déplacements en métro, j’ai flâné dans les ruelles. J’ai pris quelques souvenirs avec moi, dans les échoppes de la vieille ville et je me suis fait un vrai festin de pâtisseries suédoises !

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Puis ce fut l’heure de décoller et me voilà de retour chez moi ! Il me reste encore plein de choses à découvrir, je pense revenir bientôt mais le travail m’appelle.

Bonjour Nancy

Me voici arrivée sur le parvis de la gare de Nancy, c’est une drôle de sensation de rentrer chez soi après de longues semaines passées en voyage. Néanmoins, je pense avoir amplement profité de mon séjour en Suisse et avoir découvert un maximum d’endroits qui s’offraient à moi. Je ressors très enrichie de cette expérience qui m’a permis de développer mon sens de l’observation qui est finalement un sens primordial en architecture, si ce n’est le plus essentiel.

Mais toutes les bonnes choses ont une fin, alors au revoir le Tschuggen Grand Hotel, au revoir le Tschuggen Bergoase, au revoir les pistes de ski, au revoir les forêts de pin, au revoir Arosa et au revoir la Suisse. Il est temps pour moi de reprendre le travail et, qui sait, peut-être de préparer un prochain voyage dans un des hôtels de mes camarades…

Escale à Vals

Ça y est, il est temps de plier bagage après ces incroyables semaines passées au Tschuggen Grand Hotel. Je garderais un agréable souvenir de cet hôtel unique dans lequel j’ai eu la chance de séjourner. Je me souviendrais des paysages splendides, de la bonne nourriture, des décors somptueux de l’hôtel et de ma chambre. Mais ce dont je me souviendrais le plus, c’est définitivement le Tschuggen Bergoase de Mario Botta. J’ai, certes, passé de longues heures à ma prélasser dans les piscines et les saunas, mais j’ai surtout énormément observé cet édifice que je trouve remarquable en tous points. Le caractère brut de l’édifice, la relation avec son contexte montagneux et l’organisation des espaces en différents niveaux épousant la montagne resteront longtemps dans ma mémoire. 

Me voici désormais à la gare de Paris-Montparnasse qui officialise mon retour en France depuis la Suisse. Le trajet du retour fut quelque peu différent de l’aller car il comportait une escale dans un des bâtiments les plus emblématiques des Grisons: les thermes de Vals, l’occasion aussi de passer un peu de temps avec Anna qui avait séjourné là-bas. Jade nous avait également rejoint là-bas en provenance de Lucerne et nous avons pu clôturer nos séjours de la meilleure des manières. Anna, en habituée des lieux et ne faisant jamais les choses à moitié, nous avait préparé un parcours pour visiter l’hôtel 7132 dans son entièreté, sa chambre actuelle oeuvre de Tadao Ando, la chapelle Saint-Benoît de Peter Zumthor non loin de l’hôtel et, bien évidemment, les très reconnus thermes de Vals. 

Lorsque l’on évoque les thermes de Vals, il fait finalement sens de mentionner la phénoménologie. Cette discipline, qui vise à se poser la question du sens et des perceptions sensorielles, s’observe dans de nombreux types d’architectures mais il est à parier que l’oeuvre de Zumthor pourrait en être l’emblème. La phénoménologie a toute son importance dans la discipline car elle pense l’architecture par rapport à l’Homme, mais surtout l’architecture pour ce qu’elle représente. Les thermes de Vals sont ainsi une véritable démonstration de l’architecture suscitant les perceptions, comme l’explique l’article ci-dessous, découpé dans le journal local que j’avais acheté pour m’occuper dans le train du retour et dont j’ai surligné le passage mentionnant la phénoménologie.