La goutte d’eau dans son cocon de bois

Chambres Mayne Wood

La chambre dessinée par Thom Mayne est très surprenante… Tout y est parfaitement rangé, j’ai l’impression de vivre dans un objet d’art. Les sanitaires et la porte d’entrée sont dissimulés derrière des portes sous tenture, se fondant ainsi dans une zone servante accompagnée de rangements. La salle de bain apparaît comme une goutte d’eau dans ce cocon de bois. Cette bulle me donne l’occasion de me laver en plein milieu de ma chambre, face au paysage, quelle sensation de liberté! 

La façade de la chambre a été travaillée d’une manière très particulière au niveau de la baie vitrée : les murs se resserrent dans un cadre noir avant de passer l’extérieur. C’est intéressant cet espace intermédiaire, ce seuil, il est dans la chambre mais pas de la même matérialité, c’est un peu comme avoir une pièce dans la pièce. 

L’ambiance de la chambre change considérablement entre le jour et la nuit. La journée l’attraction est portée sur le paysage et la lumière du jour épouse chaque lames de bois, je m’y sens bien. Alors que la nuit, la fenêtre est sombre, le seuil de la baie aussi, tout comme les portes sous tenture, c’est presque oppressant de n’être enfermée que dans du bois, sans issue visible, sans mobilier… 

Cette chambre est une véritable expérience pour moi, je pense que les matériaux et leurs dimensions jouent beaucoup, j’ai choisi de passer la fin de la semaine dans la deuxième chambre « Mayne Wood » qui a des sections plus grandes. J’ai pu constater que dans la première je ressentais une sensation de vitesse alors que la deuxième me rappelait plus l’ambiance des chalets. Et pourtant, je trouvais que lors de ma première expérience, la chambre paraissait plus grande bien que les deux aient exactement les mêmes dimensions. 

La semaine prochaine, je teste les « Mayne Stone », quelle chance de pouvoir bénéficier d’un si grand catalogue architectural sur place!

Les chalets de Peter Zumthor et l’histoire des thermes

Oberhus, Unterhus et Türmlihus

Cette semaine je suis allée dans le hameau de Leis, qui appartient à la communauté de Vals, pour voir les trois chalets dessinés par Peter Zumthor, qu’il a l’opportunité d’habiter lorsqu’il est en congé. J’ai vu que lorsqu’il n’occupait pas ses chalets, il les mettait en location. Ils sont minimalistes, rustiques, mais à la fois contemporains : les baies sont situées en porte à faux et en nu extérieur, l’ossature de la toiture est pleinement apparente, à l’image des chalets autour, cependant, les pignons ne montent pas en toiture, contrairement aux autres chalets. Je me suis demandé quelques instants à quoi servaient les « murs » qui dépassent des façades, je pense qu’ils soutiennent la toiture. À l’intérieur, cela doit être une vraie immersion dans le paysage des grisons ! 

Un bar se situe juste en face des trois chalets en question, et c’est ici que j’ai croisé Alexander, le réceptionniste, le petit frère d’Amanda Wassmer-Bulgin, la sommelière du restaurant étoilé. Il l’attendait car elle accompagnait le Chef Mitja Birlopeter, pour l’élaboration du menu de Pâques pour Peter Zumthor. Il veut convier ses proches pour le repas à son chalet et leur offrir la cuisine du restaurant silver à domicile. Pendant ce temps, Alexander me racontait que le nom de l’hôtel « 7132 » était une référence au code postal de la ville, une anecdote amusante car depuis mon arrivée je me demandais à quoi ce chiffre faisait référence. 

Les thermes de Vals ont été construits suite à la faillite d’un complexe hôtelier. Celui-ci avait été imaginé en cinq hôtels par un promoteur allemand dans les années 1960 pour apporter du tourisme à Vals, une vallée perdue à l’époque, malgré qu’elle ne soit qu’à deux heures de Zurich. Peter Zumthor a donc été appelé pour bâtir un établissement thermal entre les cinq bâtiments existants, là où jaillit la source. C’était un choix surprenant à l’époque car Peter Zumthor n’avait pas encore beaucoup construit. 

J’ai revu Alexander dans la semaine car j’ai décidé de quitter ma chambre pour m’installer dans une autre, cette fois ci dessinée par Thom Mayne, revêtue de bois. Il m’a promis de me faire visiter l’hôtel, j’ai hâte de savoir tout ce qu’il se passe en coulisses! 

Découverte de Vals

7132 House of Architects : Chambre Zumthor
Le pont de Vals -Jürg Conzett

Depuis mon arrivée à Vals, je commence toutes mes journées par une baignade dans les thermes, les matinées sont réservées aux résidents de l’hôtel, quel luxe d’avoir la plupart du temps un bain pour moi toute seule! Puis, je passe la fin de la matinée dans ma chambre, pour ensuite me balader après le repas. Et, chaque soir j’assiste au coucher du soleil depuis la piscine extérieure des thermes. Quelle vie de rêve vous devez vous dire! C’est vrai que j’ai vite pris mes marques et instauré ma petite routine architecturale. 

J’aime beaucoup ma chambre, elle me donne l’impression de vivre dans une grotte artificielle. Les murs sombres attirent mon regard vers la baie : l’animation principale de ma chambre. D’ailleurs, la nuit je dors les rideaux ouverts pour me réveiller en voyant le jour épouser la montagne depuis mon lit. Le soir, une toute autre ambiance se dégage dans la chambre : le luminaire designé par Peter Zumthor prend tout son sens. Disposé assez bas dans un angle de la chambre, il reflète la lumière sur les murs brillants, à l’image d’une lanterne que l’on disposerait dans une grotte humide. Je pense que l’effet doit être très différent dans les chambres qu’il a dessiné en rouge et jaune.

J’ai eu l’occasion cette semaine de me balader dans Vals. J’ai commencé par me rendre sur la place principale du village. Ici j’y ai découvert une pâtisserie locale : la tarte à la noix, comme c’est bon, je ne m’en lasse pas! Mon trajet a été marqué particulièrement par un pont en pierre locale, très minimaliste, et dans le même esprit que les thermes, qui a attisé ma curiosité. Après m’être renseignée, j’ai pu voir qu’il avait été conçu par un ingénieur nommé Jürg Conzett. J’ai alors écouté une de ses conférences dans laquelle il explique avoir commencé à exercer avec Peter Zumthor. Il est particulièrement spécialisé dans les ponts mais a fait de magnifiques bâtiments révolutionnant les principes structurels. J’espère croiser d’autres de ses œuvres sur mon chemin! 

Vals est un village qui s’étend en longueur, longeant un cours d’eau, ce qui permet d’avoir une vision globale du village quand je marche étant donné sa faible largeur. Mon objectif pour la semaine prochaine est de me lancer dans une randonnée jusqu’au prochain village, j’ai cru entendre que Peter Zutmhor occupait son chalet de vacances en ce moment! 

Rencontre avec mon rêve…

Les clés de ma chambre en poche, j’ouvre ma valise et prends mon maillot de bain. Le bagagiste s’occupe de ma valise, et c’est parti pour la rencontre avec un rêve éveillé! J’emprunte alors cet ascenseur qui me propulse sous terre, dans un hall noir. Je suis attirée par cette porte transparente qui laisse entrevoir la séquence d’entrée dans les thermes. 

Une fois mes émotions reprises et changée, je passe enfin cette porte avec mon grand peignoir blanc. Je suis tout de suite prise par l’odeur que dégagent les robinets : la rouille.  La chaleur s’empare de mes joues, j’avance dans une ambiance obscure et lumineuse à la fois. Sur ma gauche je vois des « salons » où les visiteurs peuvent se recoiffer et prendre soin d’eux. 

J’avance dans ce long couloir de pierre en caressant le mur et en passant ma main sous les robinets. J’arrive enfin sur ce grand « balcon » ouvert sur les thermes, j’enlève mes chaussons, sans quitter du regard ce rêve qui devient réalité pour moi. 

Pieds nus sur ce sol divin, je suis marquée par la chaleur de la pierre dans cette lumière si particulière… Mon coeur s’emballe, j’y suis enfin. Je n’ai pas le droit de prendre de photographie, et pour une des premières fois de ma vie je n’en ai pas besoin, cela restera gravé en moi pour toujours… 

Entre neige et klein

Vue depuis l’entrée de l’accueil

Me voilà désormais sur le chemin menant à Vals, la route est de plus en plus blanche et de plus en plus rustique. Je passe un tunnel ouvert sur le vide et plonge dans le paysage des grisons.  L’abstraction est totale : je ne fais qu’un avec le paysage, il n’y a plus de barrière sur la route, il n’y a que moi, ma voiture et la montagne enneigée. 

J’arrive à Vals les yeux vers le ciel avec des rêves plein la tête. Mon impatience est vite comblée : les thermes sont à l’entrée du village. Aussitôt garée, je prends ma valise et me précipite vers les emmarchements qui mènent à l’accueil de l’hôtel. 

Lorsque je passe l’accueil, je suis touchée par le calme de l’espace et la toiture des thermes que j’aperçois au loin. Le hall d’accueil est animé par une moquette bleu Klein, du mobilier noir et des roses et pommes rouges. C’est un lieu dans lequel je me sens bien, c’est chaleureux, coloré, sans artifice. 

Confinée ici pour quatre mois, je compte bien essayer toutes les chambres du 7132 House of Architects! Pour le moment je reste dans l’ambiance de Peter Zumthor et commence par résider dans la suite qu’il a conçue. En attendant, je n’ai qu’une idée en tête : faire l’étoile dans la piscine extérieure et sentir la neige tomber sur mon ventre.