La Guesthouse

Bientôt, je partirai du Treehotel.  Je choisis de passer mes derniers moments ici, dans la Guesthouse. Ce bâtiment est constitué de six chambres avec douze lits en tout. Après plusieurs semaines à vivre seule dans chacune des chambres singulières de l’hôtel, je suis ravie de rencontrer ma nouvelle colocataire. C’est une suédoise d’à peu près mon âge qui faisait aussi un voyage seule pour découvrir son propre pays qu’elle n’avait jamais pris le temps de visiter.

L’ambiance ici est chaleureuse grâce au décor des années trente à cinquante. L’un des employés de l’hôtel m’avait expliqué que dans chacune des chambres et espace commun, le patrimoine suédois est préservé.

La chambre où je loge est petite mais je m’y sens bien. Deux lits côte à côte et une table de chevet suffisent pour en faire un espace agréable. 

Notre chambre, contrairement à d’autres de la Guesthouse, ne possède pas ses propres douche et toilette, mais ces dernières se trouvent non loin d’ici, à côté de la salle de détente commune.

Je descends au restaurant de la Guesthouse pour rejoindre ma colocataire de fortune qui m’attendait pour manger.

Nous nous installons à table, et nous profitons de notre dernier jour ici en écoutant le son apaisant de la rivière Lule qui coule non loin d’ici, et en observant une dernière fois la forêt boréale que l’on pouvait apercevoir depuis la fenêtre.

La « Bird’s nest »

Cela faisait plusieurs semaines que j’habitais au Treehotel. Chaque jour, je me promenais dans la forêt, visitant ce site où la végétation dominait les constructions. J’avais déjà habité dans six des sept chambres singulières de l’hôtel. Pourtant, je n’avais jamais pu trouver la septième. Je n’avais pas non plus cherché à savoir ; j’aimais l’idée de tomber par hasard sur la prochaine chambre où je vivrai en me promenant dans la vallée.

Mais après des semaines sans l’avoir trouvé, je demande enfin à la réception de l’hôtel de vivre dans la « Bird’s nest ».

Comme le « Mirrorcube », elle était invisible dans cette forêt. Mais si la première chambre où j’avais vécu reflétait les arbres pour s’y cacher, celle-ci les imitait, si bien que j’avais bien dû passer plus d’une dizaine de fois à côté sans jamais remarquer que c’était une construction humaine. En effet, elle se fondait dans son environnement car elle semblait être construite de brindilles d’arbre, comme un nid d’oiseau géant.

J’entre par l’échelle qui mène à une trappe dans le sol de la chambre. Une fois à l’intérieur, je me sens tout à coup coupée du reste du monde. Seules quelques petites fenêtres circulaires permettaient de voir l’extérieur.

L’intérieur sobre semblait très compact. Il y avait quatre places dans cette chambre, et elle se démarquait de toutes les autres par ses cloisons coulissantes, permettant de découper l’espace comme on le voulait.

J’entre d’abord dans les chambres simples, et je constate que les lits suivent la courbure du mur. A côté de chacun d’eux, une petite fenêtre permettant d’observer la forêt lorsque l’on est allongé.

Je visite ensuite la chambre parentale, et j’observe un grand lit double encastré entre deux murs, donnant une ambiance presque oppressante à la pièce. Cependant, la grandeur du lit et les deux fenêtres en face permettent d’oublier l’espace réduit de la petite chambre.

L' »UFO »

« OVNI », c’est ce signifiait le nom de cette chambre. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle portait bien son nom. C’était un objet posé là, contrastant parfaitement avec la végétation alentour. Conçue par l’architecte Bertil Harström, la pièce, presque effrayante, avait une forme de vaisseau extra-terrestre tel que grand public amateur de science-fiction l’imagine.

Construite en matériau composite très résistant, la chambre paraissait si légère qu’elle volait. A l’intérieur, le thème spatial envahissait la pièce : sur le plafond se dessinait le ciel étoilé grâce à une ouverture zénithale, et sur les textiles, on pouvait y voir les constellations.

La pièce, circulaire, permettait une orientation 360°, cependant, seules quelques petites fenêtres permettaient ce lien à l’extérieur.

La chambre, populaire auprès des familles qui viennent séjourner au Treehotel, pouvait accueil jusqu’à cinq personnes. Cependant, les lits simples étaient relativement petits, puisque la pièce était plutôt petite, et que le lit double au milieu prenait une place conséquente.

La « Dragonfly »

Cette semaine, je décide de séjourner dans la deuxième plus grande chambre du Treehotel : la « Dragonfly ». Son nom signifie « libellule », et je ne suis pas vraiment sûre de comprendre pourquoi. Peut-être est-ce en rapport avec la vue en plan de la chambre, rappelant vaguement le corps d’une libellule avec sa forme longitudinale avec des pièces rectangulaires qui s’en dégagent par moments ?

L’entrée dans le bâtiment se fait depuis une rampe de quinze mètres. En arrivant sur le patio face à l’entrée, je remarque que la façade n’est pas en bois comme je le pensais lorsque j’étais en bas, mais en métal, d’un aspect brun rouillé, se rapprochant beaucoup de l’aspect des troncs des arbres.

La pièce longitudinale centrale comprenait le séjour et l’espace de distribution des chambres qui bénéficiait d’ouvertures généreuses.

La chambre Dragonfly possédait trois chambres, bénéficiant elles aussi de grandes baies permettant une vue sur la vallée et la rivière, ou encore sur la forêt et son nombre incalculable de pins.

La « 7th room »

Cette semaine, j’ai demandé à habiter dans la « 7th room ». Son nom signifie 7ème chambre, car c’est la dernière du Treehotel à avoir été construite.

Comme toutes les autres du Treehotel, cette pièce est suspendue dans les arbres de la forêt. Alors que j’arrive pour la première fois face à elle, j’observai longuement la façade en finition bois brûlé authentique. Cette matérialité lui donne un air sombre et épuré. Sous la dalle du bâtiment était affichée une photo grandeur nature de pins, donnant l’impression du reflet des anciens pins qui étaient là avant la construction de la chambre.

L’escaliers menant à la « 7th room » possède plusieurs paliers plus ou moins grands, permettant ainsi de profiter de points de vues sur le paysage lors du cheminement jusqu’à la chambre.

Lorsque j’entre, je m’émerveille de l’intérieur en bois lisse avec tous ces textiles scandinaves. Je fais un tour rapide et je constate que cette chambre est conçue pour quatre à cinq personnes. En effet, il y a deux chambres avec deux lits chacune, et un canapé lit dans le salon. Elle était peut-être un peu trop grande pour moi toute seule, mais je suis ravie de pouvoir essayer un nouveau lit chaque soir de cette semaine. La routine n’aurait pas le temps de s’installer puisqu’à chaque emplacement, je peux bénéficier d’une nouvelle expérience sensorielle dans cette chambre.

Plan

La 7ème chambre faisait cent mètres carrés. Dans les chambres, le sol n’est pas au même niveau partout : le plancher est plus bas au niveau des lits, permettant ainsi à l’usager de se retrouver au niveau du sol lorsqu’il s’allonge sur le lit.

Que ce soit dans les espaces communs ou les chambres, il y a partout des ouvertures très généreuses donnant sur la vallée et la rivière.

Cependant, ce que je préfère ici, c’est la loggia au centre de la chambre. Singulière et ludique, elle présente un plancher fait en filet, et deux arbres poussant naturellement ici la traversent. En y entrant, j’avais l’étrange sensation que j’allais tomber. Ce sol presque incertain me permet de voir dix mètres en dessous de moi, et le garde-corps en verre n’arrangeait pas cette sensation de me retrouver dans le vide. Mais il était indéniable que c’est une expérience fascinante.

Au fil des jours, je finis par m’y habituer, et je me laisse souvent tomber sur ce plancher sans peur, puisque tous les employés de l’hôtel m’avaient assuré qu’il tenait parfaitement. Un peu comme avec le Mirrorcube, j’avais l’impression que cette chambre ne tenait que par magie avec sa structure étonnante.

Le dernier soir dans la 7ème chambre, je me couche lorsque la nuit tombe, et j’observe à travers la lucarne placée juste au-dessus de mon lit les aurores boréales qui font une timide apparition en ce début d’avril.

La « cabin »

La prochaine chambre dans laquelle j’ai eu envie d’habiter était la plus haute du Treehotel ; la « cabin ». C’est une chambre double, simple, de la forme d’une capsule.

Elle se trouve sur une pente très raide de la forêt, surplombant toute la vallée. Lorsque j’y entre, je me retrouve dans une pièce rectangulaire de vingt-quatre mètre carré assez spacieuse.

Le lit double se trouve au milieu, et lorsque je m’y allonge, je peux observer la vue incroyable que me permet la grande baie en face qui s’ouvre sur toute la hauteur du mur, permettant un prolongement visuel dans cette pièce longitudinale. Entre le lit et la baie se trouve un petit coin salon, avec deux sièges confortables et une petite table basse.

Le soleil entre timidement dans la pièce, et je me mets debout face à la baie, observant longuement ces milliers d’arbre dans laquelle cette chambre se cache, suspendue au milieu de nulle part.

Le « Blue Cone »

Après mon séjour au Mirrorcube, j’avais envie de plus de simplicité. J’ai donc demandé à résider au Blue Cone. Je quitte alors mon cube flottant pour une construction traditionnelle en bois rouge singulier dans les arbres. Avec ses trois piliers au sol, cette nouvelle chambre donnait plus l’impression de stabilité que la précédente.

En arrivant, je remarque que le Blue Cone n’était pas très élevé par rapport au niveau du sol, mais en réalité, il se trouvait sur un terrain en pente. Ainsi, lorsque j’y entre par la rampe PMR qui permettait son accessibilité, je me sens tout à coup beaucoup plus en hauteur. La grande fenêtre carrée permettait un cadrage sur la colline surplombant la vallée de la rivière Lule.

Cette chambre permet d’accueillir quatre personnes avec son lit double, et ses deux lits simples sur une mezzanine. Mon premier réflexe est de me jeter sur le grand lit niché dans un alcôve, et j’admire la vue que me permet la fenêtre juste en face.

Curieuse de découvrir le reste de la chambre, je ne m’y attarde pas et monte sur la mezzanine en utilisant une échelle. Entre les deux lits simples, une fenêtre ronde, ressemblant à un hublot, offrait une vue sur les arbres de la forêt.

Toujours au sommet de l’échelle, je ne bouge plus, et je réfléchi au dilemme de ce soir. Dans quel lit allais-je dormir en premier ?

Cocon

Comme tous les matins depuis une semaine, je me réveille dans le Mirrorcube. Et comme tous les matins depuis une semaine, sortir du lit m’est presque impossible. Le lit deux places, parfaitement encastré entre deux murs, m’offre le confort d’un petit cocon dans lequel j’aimerais rester pour toujours.

Après de longues minutes à observer le paysage naturel à travers la fenêtre du cocon, je finis enfin par en sortir, sachant qu’un autre réconfort m’attends à l’autre coin du cube. A peine avais-je posé les pieds sur le parquet que mon regard s’attarde sur le tronc d’arbre qui traverse le Mirrorcube. Comme un petit rituel, je pose ma main sur l’arbre et appuie dessus, comme pour vérifier qu’il tient toujours. Il était étonnant, presque magique, que toute la chambre repose sur ce tronc d’arbre. La structure en aluminium entourant ce dernier servait de base au cube, et lui permettait ainsi d’être suspendu dans les arbres.

J’avance de quatre pas seulement et me laisse presque tomber sur la chaise près de la grande fenêtre carrée. J’observe la forêt, oubliant presque que je suis toujours à l’intérieur, puis je me sers un café que je savoure dans ces soixante-quatre mètres cube de confort.

Le « Mirrorcube »

Après de longues minutes à observer le ciel atypique que m’offrait ce village suédois, je me relève pour rejoindre le bâtiment abritant la réception de l’hôtel ; le Treehotel Guesthouse. Le réceptionniste m’explique que c’est ici que se trouve le restaurant, et que cette maison d’hôte dispose aussi de six chambres pour accueillir les clients. Le Treehotel était connu pour ses sept chambres singulières éparpillées dans la forêt, mais moins pour les six dont il me parlait. Durant mon séjour, j’avais bien l’intention de séjourner dans chacune de ces chambres, pour y vivre à chaque fois une expérience unique et différente. Pour ma première nuit, j’avais choisi la chambre « Mirrorcube », car c’était la plus connue d’entre toutes. Le réceptionniste me donne la clef, et insiste pour qu’une employée m’y accompagne.

-Si vous y allez seule la nuit, vous ne la trouverez jamais ! me dit-il.

Je comprends le sens de cette phrase lorsque j’arrive finalement devant le « Mirrorcube ». Si l’employée ne m’avait pas signalé que nous étions arrivées, je ne l’aurais même pas remarqué. La chambre était un cube en verre miroir suspendu dans les arbres. Ces derniers se reflétaient si bien sur ses murs qu’elle était parfaitement camouflée dans la forêt. Ma première pensée fut de m’inquiéter pour ma vie privée. Si j’allumais la lumière à l’intérieur, on verrait tout ! Préoccupée par le fait de passer une nuit dans une boite entièrement transparente, je remercie l’employée et emprunte la rampe suspendue permettant d’accéder à la chambre. En entrant, je suis soulagée de constater qu’il y a du contreplaqué sur les murs, et seules quelques ouvertures permettent de créer un lien visuel entre l’intérieur et l’extérieur. Une question me traverse alors l’esprit. Maintenant que j’avais allumé la lumière dans la pièce, à quoi ça ressemblait de l’extérieur ? Je laisse tomber mes sacs de voyage et sors de la chambre en hâte pour redescendre. Une fois à terre, j’observe la beauté de cette chambre faisant penser à une sculpture monumentale. De ce cube en verre se démarquaient quelques surfaces rectangulaires desquelles émanait la lumière de la chambre : les fenêtres du Mirrorcube.

Arrivée sur un site onirique

Dans le train allant de la gare centrale de Boden à Harads, je discute avec l’homme assis à mes côtés. C’est un habitant local qui rentre chez lui après une semaine de vacances. Il devine tout de suite que je viens pour séjourner au Treehotel ; Harads est connu pour cet édifice atypique. Il m’explique que notre destination est un tout petit village suédois avec moins de 600 habitants. C’est le lieu idéal pour moi, il m’aidera à m’évader quelques temps de la ville où tout va bien trop vite.

Nous arrivons à 17 heures alors qu’il fait déjà nuit. Après avoir dit au revoir à mon compagnon de voyage, je marche seule vers la forêt boréale où se trouve le Treehotel, l’un des poumons de la Terre. Arrivant sur site, je ne parviens pas à le trouver tout de suite, alors j’erre un moment entre les végétaux de la forêt. A force de marcher en admirant tous ces arbres fins et longs, je me perds, peut-être un peu volontairement d’ailleurs. Je finis par arriver devant le lac, je lève la tête vers le ciel, et souris. Pour la première fois de ma vie, je voyais des aurores polaires. On aurait dit la plus magnifique des apocalypses. Insouciante, je m’allonge par terre et observe le ciel pendant des heures, heureuse de passer les prochains mois dans cet endroit aux airs de fin du monde chimérique.