Inquiétante étrangeté

Je ne saurai comment décrire l’espace qui m’entoure. J’ai une impression d’inquiétante étrangeté.
Le lac est d’une profondeur indéfiniment vide. Les poissons sont encore au fond du lac en attendant les jours meilleurs. Parfois je vois des ombres bouger, mais je ne saurai définir ce qu’il s’y trouve.

La nuit, l’eau est très sombre comme le néant mais j’ai l’impression d’être observée depuis l’extérieur dans mes 6m². C’est peut-être pour ça que mes nuits sont agitées… Je ne me sens pas très rassurée. J’aurais préféré être dans des eaux turquoise. Mais j’ai quand même l’impression d’être à portée d’un autre univers qui me sera bientôt accessible.
Je sens que la glace disparaît de plus en plus. Je ressens d’ailleurs quelques remous parfois quand je suis à la surface de l’eau mais bizarrement à l’intérieur, dans ma chambre, cette sensation s’efface.

Je suis actuellement sur le ponton de ma maison avec des plaids et quelques bougies. Je m’accorde un petit plaisir « fika » avec quelques « Kanelbulle » achetés à la boulangerie en centre-ville. Il y a quelques mots comme ça que l’on finit par retenir.
Mardi j’ai aperçu des aurores boréales au-dessus du lac. Elles étaient légères mais tout de même bien là ! Être en plein milieu du lac est définitivement le meilleur endroit pour les observer ! Je m’étais d’ailleurs avancée davantage dans les profondeurs du lac pour m’éloigner de Västerås. Je n’étais pas gêné par la pollution lumineuse de la ville et je pouvais contempler le paysage en solitaire. Je ne m’attendais pas du tout à en voir. D’ailleurs, je rentrais simplement chez moi quand c’est arrivé. Il était tard, sûrement 23h30. Il n’y avait également pas de lune dans le ciel. Bref, c’était parfait et depuis je guette tous les soirs en espérant en revoir, mais la période des aurores polaires s’achèvera dans peu de temps…

Souvenir des aurores boréales au-dessus du lac Mälaren

Nuits agitées

Cela fait une semaine que je suis dans mon gîte. J’ai des nuits plutôt agitées, sûrement parce que je ne suis pas encore habituée à me reposer ici. Dormir là reste une expérience incroyable mais je rêve toujours de la même chose. Je reste bloquée dans ma chambre à vouloir m’extirper par ce tunnel infini ébloui par la lumière naturelle. Je le trouve relativement étroit, juste la place de passer mon corps. Il doit faire environ 80 cm de diamètre.

Le tunnel de mon rêve se répétant à l’infini

Cependant, je me suis très bien intégrée au lieu. J’ai rencontré quelques autochtones qui m’ont appris à pêcher à travers la glace. La pêche sur ce lac est totalement gratuite ce qui est rare. Certains possédaient une vrille pour percer la glace et ainsi pouvoir pécher dans des endroits plus propices mais il était possible de trouver d’autres trous déjà fait. Par ailleurs, je pensais que la langue aurait été une barrière pour moi mais au final, ils parlent pratiquement tous anglais et beaucoup mieux que nous ! J’étais d’ailleurs souvent invité chez des locaux à dîner après avoir pêché avec eux.

Nous avons pu manger des sandres et du brochet. Ils mangent souvent en mélangeant du sucré et du salé avec par exemple de la confiture d’airelles et en accompagnement des salades de légumes et des pommes de terre. En tout cas, j’ai adoré le poisson avec cette petite touche sucrée !

Le premier sandre que j’ai mangé accompagné d’airelles et de confiture

Je commence à ressentir la fatigue, je vais retourner dans mon sous-marin en attendant de nouvelles aventures.

Conscient Inconscient

Lorsque je suis arrivée, j’ai remarqué que tout était construit sur mesure pour optimiser l’espace. Il y a le strict nécessaire pour accomplir cette odyssée.

La porte d’entrée est une porte blanche de bateau avec un hublot, tout comme les autres fenêtres, ce qui créer une ambiance maritime. Le rouge du bâtiment permet de créer un point de repère dans cet environnement infini et rajoute une ambiance vernaculaire.

Comme Jack dans le phare de Bioshock, j’ai pénétré dans cet espace et j’ai découvert, après avoir descendu une petite échelle, une chambre immergée comme un sous-marin. Un spectacle d’ombres de créatures m’y attendait.

J’ai l’impression de pénétrer dans un autre monde… Mon hôtel cache bien des secrets…

Atlantide

Utter Inn, Västerås, lac Mälaren, Sweden

Durant mon voyage jusqu’à Västerås le train traversait souvent des forêts magnifiques de pins et de sapins recouverts de neige, je pouvais aussi contempler de larges paysages de plaines blanches avec de rares petits hameaux telles des haltes. Il longeait et franchissait d’innombrables petites îles où chacune d’elles était spéciale et certaine étaient habitées par de petits points lumineux. J’avais l’impression d’être plongée en plein Atlantide, à la découverte d’un paradis oublié.

Après 1h de train depuis Stockholm j’arrive enfin à Västerås. Il est presque 16h et il fait quasiment nuit. Le climat reste agréable pour un mois de février mais la nuit approchante, je commence à ressentir la bise sur mon visage. Accompagnée de mon sac à dos et de mes valises je me hâte vers le port pour découvrir mon refuge.

En arrivant au port je me rends compte que le lac Mälaren est encore gelé. J’aperçois l’îlot, telle une île dans un archipel. Pour y accéder j’enfile mes patins, et je me lance sur la glace à la suite du réceptionniste.

En me rapprochant petit à petit je découvre une petite maison de pécheur typique de la suède, rouge avec les pignons blancs. Ça me rappelle que l’utilisation de la peinture rouge de Falun est très résistante et c’est une tradition issue des mines de cuivre de Dalarna. J’ai hâte de pouvoir m’installer en solitaire telle une aventurière !

Photographie de Markus Lekman, janvier 2018