Tourismus

Samedi 20 Mars :

Durant ces trois jours, Alexis et moi avons pris le temps de visiter un peu la ville dans la limite du temps par jours que nous accorde le confinement. J’ai pu lui montrer les quelques lieux incontournables de la ville. Mercredi, nous sommes allés voir le Kapellbrücke et le Spreuerbrücke qui sont des ponts piétonniers en bois emblématiques de la ville.  Jeudi, nous nous sommes promenés le long des anciennes fortifications de la ville. Nous avons pu voir toutes les tours caractéristiques de ces remparts.  

Croquis in situ : Kapellbrücke

Hier, nous nous sommes éloignés un peu plus de notre hôtel. Nous avons d’ailleurs bravé quelque peu le temps de sortie autorisé. Alexis a fortement insisté pour aller voir le Panorama Bourbaki, qui est une peinture cylindrique de 10 mètres de haut sur 35,6 mètres de diamètre. Contrairement à ce que je lui avais soutenu, à ma grande surprise, le musée qui accueille cette incroyable œuvre d’art n’était pas fermé et nous avons pu y accéder. Juste après cela, nous sommes allés jusqu’au petit jardin en cœur de ville qui renferme la fameuse sculpture de Lion taillée dans la roche. J’ai trouvé l’endroit apaisant et serein, immergés dans un calme imparable nous avons pu observer ce monument mesure 10 mètres de longueur et 6 mètres de hauteur assis sur un banc. Une vieille dame, assise sur le banc d’à côté nous a expliqué qu’il a été sculpté en 1821 par Lukas Ahorn. C’est une sculpture qui commémore les soldats suisses morts en 1792 au service du roi de France, Louis XVI, lorsque les révolutionnaires prirent d’assaut le palais des Tuileries à Paris.

Photo du Löwendenkmal (Lion de Lucerne)

Aujourd’hui, j’ai voulu terminer cette semaine de visite avec un endroit assez spécial. Non loin de l’hôtel : la gare. L’édifice dans lequel nous sommes arrivés ne doit pas faire exception à ma curiosité architecturale. Dessinée par Santiago Calatrava Valls, elle a été mise en service en 1991 et présente une architecture très lumineuse avec notamment cette grande galerie vitrée qui compose la façade avant et qui accueille en étage supérieur des commerces et restaurants. Dans le premier poste, je vous avais parlé de l’arche qui trône sur le parvis de cet endroit : c’est en fait la structure de la porte principale de l’ancienne gare de 1896. Il est 17 h 30. J’attrape la main d’Alexis et l’emmène de l’autre côté du parvis, au bord du Lac. Nous marchons au bord de celui-ci et arrivons quelques minutes plus tard sous le toit du fameux KKL, le Palais de la culture et des congrès de Lucerne réalisé sous les plans de l’architecte Jean Nouvel. 

Limites floues, entre le construit et le non construit

La dernière semaine était synonyme de repos et d’apaisement. J’ai pu découvrir l’hôtel un peu plus, il existe 18 chambres, de tailles différentes, classique, supérieur, suite et suite exécutive, qui prennent place toutes dans les anciennes grottes. Elles jouissent d’un jeu de lumière caractéristique des habitations troglodytes. les terrasses sont très vastes et végétalisées de temps en temps. 

Il n’y a pas vraiment d’espace restaurant. Les repas, tous à partir de produits locaux,  se déroulent à l’intérieur d’une ancienne église rupestre du XIIIe siècle.

Une semaine s’est écoulée, j’ai pratiqué les lieux de jours et de nuits, et pourtant je n’ai pas l’impression d’avoir compris et assimilé le plan et l’organisation de l’hôtel. 

Le soir quand je me couche, j’entends les pas des habitants de l’hôtel au-dessus.

Les toits seraient-ils des terrasses? 

Les escaliers à l’intérieur des chambres laissent deviner un dénivelé et structurent les différents espaces.  existaient-ils avant la rénovation des lieux ? 

Les grottes étaient précédemment occupées par des familles entières, quels étaient leurs besoins? comment étaient agencés les espaces? Je remarque des trous, ici et par là, sur les terrasses extérieures. Ça doit surement être les anciennes citernes ! Chaque cave – ancienne habitation – devrait en posséder une, sûrement au niveau des salles de bains.

La matérialité des façades, principalement constituées de pierres identiques à celles des murs intérieurs, laissent deviner que les dimensions des grottes ont été agrandis, et que les pierres récupérées ont été réutilisées pour le traitement des façades.

Une terrasse principale vient desservir toutes les grottes, qui doivent être conçues selon un plan type barlong, sans ouvertures zénithales. À l’intérieur,  l’obscurité est prédominante, seule une fenêtre dans la façade d’entrée laisse pénétrer des rayons de lumière.

Les différentes tailles des chambres posent la question de la superposition de ces espaces. Les chambres les plus grandes, seraient logiquement tout en haut de la pyramide pour permettre une meilleure stabilité, et un jeu de vide plein plus cohérent. Pourtant notre chambre, la plus spacieuse, se trouve sur le niveau du rez -de -chaussée. Ces retraits de façades découlent-ils d’une organisation plutôt en alternance  ?  

Beaucoup d’hypothèses, je suis fatiguée, ce soir, j’ai plutôt envie de profiter du vin italien et de la brise, je continuerai mes recherches le lendemain.

Cocon

Comme tous les matins depuis une semaine, je me réveille dans le Mirrorcube. Et comme tous les matins depuis une semaine, sortir du lit m’est presque impossible. Le lit deux places, parfaitement encastré entre deux murs, m’offre le confort d’un petit cocon dans lequel j’aimerais rester pour toujours.

Après de longues minutes à observer le paysage naturel à travers la fenêtre du cocon, je finis enfin par en sortir, sachant qu’un autre réconfort m’attends à l’autre coin du cube. A peine avais-je posé les pieds sur le parquet que mon regard s’attarde sur le tronc d’arbre qui traverse le Mirrorcube. Comme un petit rituel, je pose ma main sur l’arbre et appuie dessus, comme pour vérifier qu’il tient toujours. Il était étonnant, presque magique, que toute la chambre repose sur ce tronc d’arbre. La structure en aluminium entourant ce dernier servait de base au cube, et lui permettait ainsi d’être suspendu dans les arbres.

J’avance de quatre pas seulement et me laisse presque tomber sur la chaise près de la grande fenêtre carrée. J’observe la forêt, oubliant presque que je suis toujours à l’intérieur, puis je me sers un café que je savoure dans ces soixante-quatre mètres cube de confort.

Musicalement votre

S’il y a une chose à retenir de ce début de mois de mars, c’est l’effervescence dont regorge l’hôtel. Et si je devais choisir un lieu, ce serait sans hésitation le jardin. Il est le poumon de l’hôtel. J’ai pu rencontrer des compagnons de voyage certains matins, assise à l’ombre de l’unique arbre, mon café à la main. Avec eux, nous avons échangé de longues heures, pendant que le soleil nous quittait, assis sur l’herbe et adossés aux murs épais en pierre.

Ce jardin est renfermé par son accès unique et ses quatre murs bruts. Pourtant, il est ouvert par ce qu’il nous dévoile des façades arrières environnantes, par les rencontres qu’il crée et par les nombreux événements qu’il abrite. J’y ai découvert un film d’une jeune artiste portugaise qui en faisait sa promotion. Les murs en pierre se sont transformés en musée lors de l’exposition des étudiants des Beaux-arts, entre sculpture, musique, pieds nus et caipirinha. Et pour finir, pour mon plus grand plaisir, la Casa do Conto réserve chaque première semaine du mois à la musique. J’ai donc vu le jardin se remplir, au rythme des pianos, sous le thème sensible de la semaine « 1+1 c’est déjà un paysage ».

affiche consacrée à la semaine du 1er au 5 mars 2021.

Poème éternel

Quand Paula m’avait dit à mon arrivée qu’elle prenait ma découverte à coeur, elle n’avait pas menti ! En un peu plus de deux semaines j’ai pu expérimenter trois chambres, visiter les cuisines, les jardins et écouter les nombreuses anecdotes qu’un hôtel peut garder.  La suite résidence AD a été la première et la plus caractéristique de l’image de l’hôtel que je me faisais. Les draps blancs volumineux contrastent avec la boîte en béton qui occulte la salle de bain. Sans surprise j’ai passé de longues minutes (heures?) à essayer de décortiquer les longs poèmes gravés sur le plafond. Ils sont à la fois écrasants par leur échelle et leur matériau mais surtout oniriques, ou même romantiques. Leur doux message y est « gravé dans le marbre », lui donnant un caractère immuable tout en liant intimement les différents habitants passagers de cette chambre. 

5603

Samedi 27 février

facade sur rue – The Hotel – Jean Nouvel

Ça y est, nous y sommes. Tout le long du chemin je n’arrêtais pas de dire à Alexis à quel point il me tardait d’arriver à l’hôtel pour en faire la découverte, c’est chose faite. Le soir tombe, la façade s’allume. Je m’éloigne de cette dernière et grimpe sur le trottoir d’en face. Mes yeux se baladent au gré des fenêtres qui s’allument, qui s’illuminent. Le concept de l’hôtel ne m’est pas étranger et je veux garder encore quelque temps le suspens, mais sachez qu’il est question de mise en scène. Celle-ci commence dès l’extérieur, la façade semble devenir une mosaïque d’ambiances et de couleurs rompant quelque peu la barrière entre extérieur et intérieur. Nous sommes invités, nous qui sommes dehors, à rentrer au sein de cet hôtel sans même avoir à passer la porte.

 Alexis me tire de mon air contemplatif, il attrape ma valise et me guide vers l’entrée. C’est incroyable comme la moindre chose  dans cet objet architectural participe à la création d’ambiance : les larges baies vitrées qui donnent à voir le hall laissent poindre une lumière aux tons chauds contrastant largement avec les tons du haut tube métallique et de sa lumière froide qui rythment la séquence d’entrée. 

Hall d’entrée

L’ambiance est sombre mais très luxueuse cependant. Face à nous, un couloir. Sur notre droite un grand mur illustré et lumineux éclair le comptoir métallique dans lequel se reflètent les imposants fauteuils en cuirs disposés face à lui. Je m’adresse à l’hôtesse d’accueil, en anglais, nous réalisons l’enregistrement et elle me transmet la carte qui permet d’ouvrir notre porte de chambre pour les 3 prochains jours :

la Twin Corner Junior Suite. 

Nous montons au premier étage, et arrivons face à la porte 5603. Je m’empare de la carte magnétique et déverrouille la porte. Je rentre la première et me précipite à l’intérieur de la chambre. Tout y est noir et sombre, seul contrastent les draps blancs des lits ainsi que les touches métalliques et brillantes du mobilier çà et là. Tout est propre et immaculé. Alexis pose les valises dans le vestibule et je m’assois sur le lit. Mon regard court sur le plafond, face à moi l’image d’un dos féminin dénudé sur lequel une main qui me semble masculine, y écrit au pinceau, des caractères Japonais. 

Ce film, du plasticien Peter Greenway, se place comme une sorte de

« poème orientaliste entièrement dédié à l’art de la calligraphie … sur corps humain! ». On y suit le parcours d’une jeune femme qui veut faire de son corps un véritable livre ouvert pour son amant. Le cinéaste manipule habilement image et trame pour nous livrer une oeuvre novatrice et évocatrice ou l’envoutement et l’exotisme règnent en maître. Il réalise, avec ce film, un questionnement et une étude poussée sur le corps, sur son action médiatrice entre les êtres humains, mais également entre les signes et leur transmission.

Le corps, vu comme un lieu de mémoire, Également lieu de la mémoire, le corps permet un voyage dans le temps, un retour dans le passé plus ou moins lointain, mais dans un désordre propre aux paradoxes qu’il renferme dans ses recoins les plus sombres. À travers l’écriture des idéogrammes, les personnages de l’écran sont animés par diverses pulsions. Les signes, brûlés ou effacés demeurent éphémères, rappelant ainsi le besoin constant d’oubli de la mémoire. Le lien intrinsèque entre le corps et la littérature demeure, pour sa part, inscrit à jamais dans la chair des personnages, soit dans les pages du livre humain de Jérôme, soit dans la peau finalement tatouée de Nagiko.




Le « Mirrorcube »

Après de longues minutes à observer le ciel atypique que m’offrait ce village suédois, je me relève pour rejoindre le bâtiment abritant la réception de l’hôtel ; le Treehotel Guesthouse. Le réceptionniste m’explique que c’est ici que se trouve le restaurant, et que cette maison d’hôte dispose aussi de six chambres pour accueillir les clients. Le Treehotel était connu pour ses sept chambres singulières éparpillées dans la forêt, mais moins pour les six dont il me parlait. Durant mon séjour, j’avais bien l’intention de séjourner dans chacune de ces chambres, pour y vivre à chaque fois une expérience unique et différente. Pour ma première nuit, j’avais choisi la chambre « Mirrorcube », car c’était la plus connue d’entre toutes. Le réceptionniste me donne la clef, et insiste pour qu’une employée m’y accompagne.

-Si vous y allez seule la nuit, vous ne la trouverez jamais ! me dit-il.

Je comprends le sens de cette phrase lorsque j’arrive finalement devant le « Mirrorcube ». Si l’employée ne m’avait pas signalé que nous étions arrivées, je ne l’aurais même pas remarqué. La chambre était un cube en verre miroir suspendu dans les arbres. Ces derniers se reflétaient si bien sur ses murs qu’elle était parfaitement camouflée dans la forêt. Ma première pensée fut de m’inquiéter pour ma vie privée. Si j’allumais la lumière à l’intérieur, on verrait tout ! Préoccupée par le fait de passer une nuit dans une boite entièrement transparente, je remercie l’employée et emprunte la rampe suspendue permettant d’accéder à la chambre. En entrant, je suis soulagée de constater qu’il y a du contreplaqué sur les murs, et seules quelques ouvertures permettent de créer un lien visuel entre l’intérieur et l’extérieur. Une question me traverse alors l’esprit. Maintenant que j’avais allumé la lumière dans la pièce, à quoi ça ressemblait de l’extérieur ? Je laisse tomber mes sacs de voyage et sors de la chambre en hâte pour redescendre. Une fois à terre, j’observe la beauté de cette chambre faisant penser à une sculpture monumentale. De ce cube en verre se démarquaient quelques surfaces rectangulaires desquelles émanait la lumière de la chambre : les fenêtres du Mirrorcube.

Fantasmagorie

Domaine Le Coq Enchanté, à Cambremer // Basse – Normandie

Quelques heures après mon arrivée, le soleil se couche. L’arrivée de la nuit métamorphose le paysage et l’atmosphère se voit bouleversée. Le lendemain matin encore pleines d’images en tête, je dois mettre des mots sur ce que j’ai vu, vécu et entendu.

Ce petit poème conte mon odyssée nocturne :

Sous le voile léger de la bulle,

Les animaux nocturnes fourmillent,

Les ombres de la nature affluent,

Et dansent autour de ton âme.

Le silence s’installe et t’enveloppe,

Comme dans un rêve,

Regarde le ciel, il te voit.

Ne faisant qu’un avec toi,

La nature, géant de la nuit,

Laissera place au soleil levant.

Dessin – Vue depuis le lit de nuit

Béton vs vintage

Je passe le pas de la porte noire très opaque et me voilà face à un escalier de cinq petites marches. Bien loin des halls d’hôtels spacieux et épurés, l’arrivée à la Casa do Conto se veut intimiste et chaleureuse. Étrangement, malgré l’aspect très contemporain qui se dégagent des murs blancs et du béton présent du sol au plafond, l’ensemble est tout sauf froid et austère. Je suis directement attirée par le canapé en cuir jaune sur ma droite, ces objets à la fois kitsch mais tellement réconfortants. Il peut sembler anodin et pourtant il est central, il a quelque chose de l’ordre du familier, du chez-soi. Les vieux meubles rendent cette pièce rassurante.

Je m’approche donc de la personne derrière ce grand bureau en bois foncé. L’espace n’est pas éclairé par des plafonniers ou des suspensions, mais par des points lumineux dispersés, doux et singuliers. Le grand sourire de Paula m’accueille entouré d’objects très différents. De la photo de Porto aux chaises en cuir moutarde, et du buffet en bois esprit années 60 au tapis molletonneux noir, je suis à peine arrivée mais pourtant déjà apaisée. 

Ce qu’est ce blog…

… la restitution du confinement virtuel d’une vingtaine d’élèves architectes de l’école d’architecture de Nancy, chacun·e dans un hôtel quelque part dans le monde.

À travers un post (ou plus) par semaine, chaque confiné·e relate son expérience (ce qu’il ou elle voit, fait, explore, expérimente, espère, attend, …), en utilisant les outils habituels des architectes (textes, dessins, photos, …).