Face à l’immensité

Zervreilasee

À cinq kilomètres de Vals, se situe le lac Zervreilasee, il est marqué par un barrage gigantesque. En empruntant un chemin de randonnée depuis l’hôtel je m’y suis rendue en moins d’une demie journée. Sur le retour j’ai mangé à Leis, sur la terrasse du bar restaurant face aux chalets de Peter Zumthor. 

Cette visite m’a profondément marquée, je me suis sentie si petite face à ce paysage immense qui me semblait infini. L’eau reflétait les montagnes et le ciel, le monde paraissait sans limites… Puis, il s’est mis à neiger (la vague de froid touche aussi la Suisse visiblement)! La neige a très vite épousé le sol, je me suis retrouvée sur la crête du barrage dans un froid inégalable, envahi par le brouillard, le barrage me semblait interminable! 

Plus je marchais sur cet immense objet, plus je m’émerveillais d’être à cent cinquante mètres au-dessus de l’eau dans ce panorama à couper le souffle. Pleine d’émotion en parcourant le paysage, j’en ai oublié le froid, il me semble être restée plus d’une heure à admirer les moindres détails de ces cinq cents quatre mètres de traversée. Le barrage est en forme de voûte, d’un côté je voyais le sol et les machines pour la production d’énergie et de l’autre j’avais l’impression d’être très haut, incapable de voir la la fin du barrage avec la bourbe du béton. Pour me rendre compte de l’échelle, je jetais des boules de neiges pour les voir dévaler ce ventre de béton jusqu’à l’eau. 

Je suis restée un moment seule dans la neige, sur cette immensité, faisant des tours sur moi-même plongée dans ces vues exceptionnelles. C’était un bonheur que je ne sais toujours pas expliquer, je suis revenue dans ma chambre avec des rêves plein la tête, impatiente de refaire cette expérience bouleversante.

Edwin Kornmann Rudi

Loin de l’expérience insolite que m’offre cet hôtel atypique, je souhaite aujourd’hui partager ce que j’ai pu apprendre de la personne qui est derrière cette architecture. Edwin Kornmann Rudi n’est ni architecte ni ingénieur, il est cet entrepreneur immobilier dès plus intelligents et créatifs à mon sens puisqu’il a réussi à saisir une opportunité sans égale.


“L’art véritable n’est pas seulement l’expression d’un sentiment mais aussi le résultat d’une vive intelligence.”


Hendrick Petrus Berlage

Rien n’est fruit du hasard, cet homme est dans cette activité entrepreneuriale depuis ses 17 ans, donc depuis plus de 40 ans ! Mais comment est-ce qu’il a eu cette idée de créer un hôtel dans une grue industrielle ?
Monsieur Rudi répond à cette question sur le site dédié à son hôtel :
« Tout d’abord, il faut être créatif et un peu fou pour développer les 3 suites les plus chères au sommet d’une grue portuaire monumentale. Je voulais faire une démonstration ! Mon rêve était de créer un outil qui contribuerait à la réalisation de mon objecti
f »

Un petit tour sur LinkedIn m’a permis de mieux connaitre le parcours hétérogène d’Edwin Kornmann Rudi. Actuellement et depuis 2010,il est propriétaire de Crane Hotel Faralda Amsterdam et travaille dans le secteur de la restructuration, récupération et remarketing de l’immobilier. Mais sa carrière commence d’abord par la réaffectation et le réaménagement des propriétés industrielles et monumentales, de 1998 à 2008, tout en ayant des projets parallèle dans le domaine de la santé. En 2001 et pour onze ans, il était président de la GP Support Foundation (Fondation de soutien aux médecins généralistes) en étant propriétaire et investisseur.

De cet aperçu, je ne peux que constater un élément qui demeure commun à toutes ces activités, l’entreprenariat.

J’avoue que ce constat pousse mes pensées vers une dérive plutôt pessimiste, je me dis que finalement ce projet que nous ; les architectes, voyons comme une œuvre architecturale des plus intéressantes puisqu’il illustre le pouvoir de l’Homme à exprimer les sensations de son temps, à réadapter des objets, des lieux et des environnements selon son évolution à lui, n’est finalement qu’un projet ‘commercial’. C’est peut-être mon avis à moi seule, mais ces questionnements me laissent perplexes.


Ce qui me rassure, suffisamment pour fermer l’œil et dormir sereinement, est que quel que soit la raison, le projet a permis de sauver un patrimoine industriel représentatif d’une mémoire collective, puisque, je le rappelle, les autres grues ont été démontées et seul Kraan 13 a été sauvé. Puis il ne faut pas oublier que cet hôtel participe dans la satisfaction des besoins d’une certaine catégorie de la population, en offrant une expérience insolite mais aussi en offrant des opportunités de branding et de marketing proposé justement grâce à la notoriété répandue de l’hôtel.


Enfin, ce qui me rassure réellement est le fait que rien n’est jamais perdu, même si c’était pour un but purement économique (un constat que j’essaierai d’améliorer davantage par des recherches et surtout par l’expérience que m’offrira ce séjour), le projet demeure une concrétisation d’une expérience et d’un savoir-faire de restauration d’une structure industrielle pour devenir habitable en respectant les normes en vigueur, ceci dit, cela peut servir comme un enrichissement à notre culture de construction.


« Si l’on ne pêche pas du tout contre la raison, on n’arrive généralement à rien. »


Albert Einstein

Illusion optique

En fait, il existe deux «invisible rooms ». Elles sont superposées l’une sur l’autre. Leur emplacement est à côté de la réception dans l’espace central. Celle dans laquelle j’ai dormi est positionnée au deuxième étage. Ces murs sont complétement couverts de miroirs. Grace à son emplacement central les murs reflètent les arches en plein-cintre faite en briques rouges et les chapiteaux en blanc qui se trouvent des deux côtés de ce grand espace. Toute cette structure ressemble à une église avec sa nef centrale. Quand les murs reflètent cette dernière, on a l’impression de voir l’autre côté.

Cette illusion optique m’a fait penser à un bâtiment très célèbre crée par MVRDV. Il s’agit d’une vitrine de boutique de lux qui est faite complétement en briques de verres, et ainsi complétement transparentes. Contrairement à la chambre invisible, le dispositif utilisé ici n’est pas pour ce cacher mais au contraire de montrer l’intérieur. Je trouve ça impressionnant. Le verre porte tout le mur. Quand je suis arrivé sur place, c’est vraiment comme je l’avais imaginée, même encore mieux parce que je pouvais toucher le matériau et voir chaque petite jonction. Je pouvais rester là à la regarder pendant des heures. Le vent froid et fort m’a poussé à rentrer. Heureusement que l’hôtel n’était pas très loin.

La baie d’Halong

Le bon vent est devenu petite brise. Mais elle vient de la bonne direction, la mer est belle, le soleil chaud, c’est le principal. J’aimerais quand même aller plus vite, c’est tellement bon de regarder foncer le bateau. C’est bon aussi de flemmarder sur le pont en se rôtissant au soleil en écoutant chantonner l’eau sur la coque.

L’Asie est un continent fascinant, surtout dans les grandes villes où le bruit, la densité d’habitant, la pollution, la pauvreté comme premières impressions peuvent vite surprendre. Mais cela ne dura pas et donna place à l’émerveillement que cette différence humaine et culturelle peut procurer.

La Baie d’Halong, une fois arrivé pour y passer une nuit, entre ces rochers en forme de sucre dans l’énorme tasse qu’est l’océan. Quel coucher de soleil et lever de soleil ce jour-là !

Aujourd’hui randonnée avec un guide local qui nous a raconté et montré la vie dans les montagnes en nous faisant dormir chez des habitants.

Un homme et sa femme, des gens vraiment très accueillant, c’est surprenant comment ces gens-là n’ont plus d’attache pour la superficialité, il nous expliquait qu’il voyait beaucoup d’étrangers mais peu osaient venir au milieu des locaux. Les gens sont toujours bienveillants si on arrive vers eux avec un sourire et ils nous le rendent volontiers avec plus d’informations que ce que l’on espérait, c’est aussi cela la façon de faire ici, toujours prêt à aider et à partager. Ce fut une expérience très spirituelle et enrichissante.

Le restaurant et autres communs

Je m’étais jurée de passer plus de temps hors de ma chambre, à découvrir et vous faire partager les espaces communs de l’hôtel. J’ai bien fait. Ces derniers jours, ceux-ci étaient fortement animés, et les touristes plus que jamais à la recherche de l’échange. En effet, craignant de devoir bientôt s’enfermer un peu plus dans nos chambres, tout le monde souhaitait bénéficier des espaces communs, tout aussi qualitatif que les chambres. Ils sont pourtant bien différents. Là où les chambres sont en pierres et relativement fermées sur l’extérieur (je rappelle qu’une seule façade est exposée), les communs de l’hôtel, tel que le restaurant, sont très ouverts avec de grandes baies. La vue est remarquable depuis là bas. Nous sommes un peu plus haut que dans les chambres et la vue sur le cratère est exceptionnelle.

J’aime m’y installer durant des heures. Je me pose là, toujours à la même table. Elle est dans l’angle. J’ai ainsi une vision sur tous les gens qui passent, sans pour autant me sentir envahie. Et l’avantage de cette grande salle c’est que les ouvertures font l’angle, je suis donc baignée de lumière. De l’autre coté de la vitre, une terrasse d’environ 5 mètres de large offre la possibilité de s’installer sur des transats, un peu à la manière du bord de la piscine, mais un étage au-dessus. De là, on voit donc les gens se baigner et la piscine à débordement qui semble se déverser dans le paysage.

Comme dans le hall et les chambres, la pierre est absente de cet intérieur, on l’aperçoit à peine sur l’épaisseur du mur extérieur. Mais c’est amusant, un peu labyrinthique, l’hôtel est fait de plein de petits couloirs et espaces cachés. Des salons se cachent dans des coins. Et le long d’une déambulation, il est possible de tomber nez à nez avec un mur de pierre. Posé ici comme s’il fallait rappeler le contexte, là où les fenêtres sont absentes. Parfois, j’ai vraiment l’impression de ne plus être au milieu de ce grand désert.

Mardi 06/04/21

Aujourd’hui je suis allé faire des courses au marché pour retrouver des habitudes du quotidien qui ont totalement disparu dans une vie à l’hôtel ! C’est peut-être idiot, mais après une discussion avec quelques occupants de l’hôtel, je me suis rendu compte que parvenir à mes besoins me manquait… c’est bizarre, mais réel.

Ressentir comme seule inquiétude « qu’allons-nous manger ce midi ou ce soir ? » nous donnes la sensation étrange d’être au-dessus de tout, mais à la fois d’être personne, puisque les choix ne dépendent pas de nous.
Je vais appeler une amie qui elle aussi séjourne depuis quelques temps dans un hôtel afin d’avoir son ressenti…

Lundi 29/03/21

Cette journée fut très chargée, je suis allé me promener avec mes voisins de chambre afin de découvrir les villages et les paysages voisins.

Nous sommes parties faire une balade à vélo de 54km afin de prendre le temps de se déplacer ; les transports en communs nous empêchent de flâner. Tout va trop vite… Il est difficile, voir même impossible de faire arrêter un bus ou un train lorsque nous sommes face à un paysage qui nous plaît. Mais avec cette balade à vélo nous avions pu prendre le temps que nous désirions, et je dois vous dire que les paysages sont fascinants et dépaysant de ce que nous pouvons voir à l’hôtel …

5701

Mardi 06 Avril :

Hier soir, nous avons changé de chambre. La Penthouse junior Suite se trouve en attique, soit au sixième niveau, et propose une vue imprenable sur les toits de la ville. La vue panoramique qu’offre la terrasse prend des airs de la scène mythique du film Titanic lorsque l’on s’approche du bord et que l’on règne sur les toits de Lucerne.

PENTHOUSE JUNIOR SUITE

Nous avons décidé de consacré cette soirée à la découverte du nouvel imaginaire que nous venons d’assimiler, nous avons commandé un Room-service. Le cocktail commandé au Lounge Bar que nous avons pris face au coucher de soleil fut très agréable. Nous avons ensuite diné dans la chambre. 

TERRASSE DE LA CHAMBRE

Les liaisons dangereuses. L’univers dans lequel nous sommes maintenant plongés dans notre nouvelle chambre est beaucoup moins sombre que dans la dernière. Les murs et plafonds sont d’une couleur crème et le sol est couvert d’un parquet chaud. Cette fois-ci, ce n’est pas le plafond qui est illuminé d’une composition scénographie, c’est le mur qui se trouve en tête de lit. Nous sommes plongés au cœur d’un moment poétique et sensuel unique. La nuit tombée, le mur rétroéclairé s’illumine d’une illustration aux tons chauds : deux personnages nus dans les bras l’un de l’autre, sous une couverture, à la chaleur d’un feu de cheminée s’enlacent. Nous avons fini par regarder le film afin de nous plonger pleinement dans l’ambiance de la chambre : plus que spectateur de ce film, nous en sommes des acteurs, l’univers de ce film retranscrit dans ce lieu luxueux est une pure invitation à nous mettre en scène comme les rôles principaux du film de notre vie. 

« Éblouissante adaptation du célèbre roman de Choderlos de Laclos. Découvrez l’aristocratie oisive et fallacieuse du XVIIIe siècle autour d’intrigues sexuelles. « Les liaisons dangereuses », sous sa montagne de grâce et d’élégance, proposent une vision considérablement pessimiste et vaniteuse de l’être humain au travers de sa capacité à manipuler, trahir et culpabiliser. La luxueuse vie de château devient le théâtre de jeux d’amour finissant par la mort. L’Atmosphère qui se veut décadente et somptueuse, ainsi que le scénario richissime servent d’écrin à ce drame.

Glenn Close propose une marquise de Merteuil redoutable, qui passe son temps à conspirer avec l’abject vicomte de Valmont extrêmement élusif, interprété par John Malkovitch. Les plans de ce dernier sont contrariés lorsqu’il tombe réellement amoureux de la prude Madame de Tourvel, dont Michelle Pfeiffer nous soumet une version déchirante.

La virtuosité des mots, la maîtrise des convenances ne peuvent masquer des âmes sombres et torturées. Une oeuvre-maîtresse. »


La « 7th room »

Cette semaine, j’ai demandé à habiter dans la « 7th room ». Son nom signifie 7ème chambre, car c’est la dernière du Treehotel à avoir été construite.

Comme toutes les autres du Treehotel, cette pièce est suspendue dans les arbres de la forêt. Alors que j’arrive pour la première fois face à elle, j’observai longuement la façade en finition bois brûlé authentique. Cette matérialité lui donne un air sombre et épuré. Sous la dalle du bâtiment était affichée une photo grandeur nature de pins, donnant l’impression du reflet des anciens pins qui étaient là avant la construction de la chambre.

L’escaliers menant à la « 7th room » possède plusieurs paliers plus ou moins grands, permettant ainsi de profiter de points de vues sur le paysage lors du cheminement jusqu’à la chambre.

Lorsque j’entre, je m’émerveille de l’intérieur en bois lisse avec tous ces textiles scandinaves. Je fais un tour rapide et je constate que cette chambre est conçue pour quatre à cinq personnes. En effet, il y a deux chambres avec deux lits chacune, et un canapé lit dans le salon. Elle était peut-être un peu trop grande pour moi toute seule, mais je suis ravie de pouvoir essayer un nouveau lit chaque soir de cette semaine. La routine n’aurait pas le temps de s’installer puisqu’à chaque emplacement, je peux bénéficier d’une nouvelle expérience sensorielle dans cette chambre.

Plan

La 7ème chambre faisait cent mètres carrés. Dans les chambres, le sol n’est pas au même niveau partout : le plancher est plus bas au niveau des lits, permettant ainsi à l’usager de se retrouver au niveau du sol lorsqu’il s’allonge sur le lit.

Que ce soit dans les espaces communs ou les chambres, il y a partout des ouvertures très généreuses donnant sur la vallée et la rivière.

Cependant, ce que je préfère ici, c’est la loggia au centre de la chambre. Singulière et ludique, elle présente un plancher fait en filet, et deux arbres poussant naturellement ici la traversent. En y entrant, j’avais l’étrange sensation que j’allais tomber. Ce sol presque incertain me permet de voir dix mètres en dessous de moi, et le garde-corps en verre n’arrangeait pas cette sensation de me retrouver dans le vide. Mais il était indéniable que c’est une expérience fascinante.

Au fil des jours, je finis par m’y habituer, et je me laisse souvent tomber sur ce plancher sans peur, puisque tous les employés de l’hôtel m’avaient assuré qu’il tenait parfaitement. Un peu comme avec le Mirrorcube, j’avais l’impression que cette chambre ne tenait que par magie avec sa structure étonnante.

Le dernier soir dans la 7ème chambre, je me couche lorsque la nuit tombe, et j’observe à travers la lucarne placée juste au-dessus de mon lit les aurores boréales qui font une timide apparition en ce début d’avril.