S’il y a une chose à retenir de ce début de mois de mars, c’est l’effervescence dont regorge l’hôtel. Et si je devais choisir un lieu, ce serait sans hésitation le jardin. Il est le poumon de l’hôtel. J’ai pu rencontrer des compagnons de voyage certains matins, assise à l’ombre de l’unique arbre, mon café à la main. Avec eux, nous avons échangé de longues heures, pendant que le soleil nous quittait, assis sur l’herbe et adossés aux murs épais en pierre.
Ce jardin est renfermé par son accès unique et ses quatre murs bruts. Pourtant, il est ouvert par ce qu’il nous dévoile des façades arrières environnantes, par les rencontres qu’il crée et par les nombreux événements qu’il abrite. J’y ai découvert un film d’une jeune artiste portugaise qui en faisait sa promotion. Les murs en pierre se sont transformés en musée lors de l’exposition des étudiants des Beaux-arts, entre sculpture, musique, pieds nus et caipirinha. Et pour finir, pour mon plus grand plaisir, la Casa do Conto réserve chaque première semaine du mois à la musique. J’ai donc vu le jardin se remplir, au rythme des pianos, sous le thème sensible de la semaine « 1+1 c’est déjà un paysage ».
Quand Paula m’avait dit à mon arrivée qu’elle prenait ma découverte à coeur, elle n’avait pas menti ! En un peu plus de deux semaines j’ai pu expérimenter trois chambres, visiter les cuisines, les jardins et écouter les nombreuses anecdotes qu’un hôtel peut garder. La suite résidence AD a été la première et la plus caractéristique de l’image de l’hôtel que je me faisais. Les draps blancs volumineux contrastent avec la boîte en béton qui occulte la salle de bain. Sans surprise j’ai passé de longues minutes (heures?) à essayer de décortiquer les longs poèmes gravés sur le plafond. Ils sont à la fois écrasants par leur échelle et leur matériau mais surtout oniriques, ou même romantiques. Leur doux message y est « gravé dans le marbre », lui donnant un caractère immuable tout en liant intimement les différents habitants passagers de cette chambre.
J’ai pris une douche fraîche et tonique dans cet espace tout de marbre blanc revêtu, la lumière zénithale de la lucarne m’inondait autant que l’eau. Le thermomètre affichait déjà 25 degrés en ce mois mars. J’ai replacé devant le bureau la chaise Magis, signée konstantin GRCIC, que je ne trouve d’ailleurs pas très confortable avec ces motifs organiques de plastique, manifeste d’une société de consommation à outrance, loin de l’artisanat; « pas mon genre ». En me penchant sur le garde-corps du patio, une petite table m’était destinée et le petit déjeuné servit ! Jean Christophe et Fabrice, les hôtes, s’affairaient à l’accueil et au fourneau. La petite fontaine en marbre me rappelait les fontaines de mon village de montagne alsacien en pierre sèches. Le bruit de l’eau adoucissait déjà l’air sec de l’Alentejo. J’étais resté pied nus pour ressentir les matériaux bruts sous mes pieds et avec cette chaleur, des chaussures étaient inutiles. Les graviers du patio crissaient joyeusement sous mes pieds. Le petit déjeuné était composé de fruits pressés, couleurs d’été, des fameux croissants michta ou de pasteis de nata pour les plus frileux du saler sucré. La journée allait être vraiment chaude, jean Christophe m’a conseillé de rester sur place, et de patienter avant d’aller à la piscine, car ma peau n’était pas habituée à la puissance du soleil, à l’inverse des Portugais. Je pris note de son conseil et parti pour un tour du propriétaire. La villa est construite dans une légère pente du sud au nord ce qui fait que le premier niveau est aussi de plein pied au sud. Les petits modules extrudés qui apportent de la lumière dans les douches ressemblent à des hommes qui marchent dans des directions opposées, comme dans la piazza de Giacometti. Chacun sa route semble dire les petits pavillons. J’ai bravé les indications de Jean-Christophe et me baigne à 14 h alors que le soleil vient de passer le point culminant de sa course. Mais je connais ça le soleil du Portugal, sur les plages lisboètes, je n’ai plus peur d’attraper des rougeurs. La piscine est au nord, orientée vers le paysage. Son cadre en béton brut s’estompe à l’horizon pour laisser déborder l’eau qui vient rejoindre le ciel. Comme une route vers les cieux elle invite à se laisser porter vers un ailleurs. Durant le reste de la semaine, j’ai décidé de rester à la villa Extramuros, à écrire sur la terrasse.
Je me pause des questions sur la structure de ce porte-à-faux à la manière de siza ? Le béton armé est vraiment un matériau intriguant, les fers seuls sont ils à l’origine de cette absence de charge verticale dans l’angle du bâtiment ? Peut – être. François n’a pas pu m’aider sur ce sujet. J’ai trouvé les plans qui me rappellent le concept centrifuge des compositions de Mondrian. Les espaces de distribution sont associés à des pièces ce qui fait qu’il y a peu ou pas de couloirs et les espaces sont ainsi plus grand et traversant. Boa Tarde, os amigos, il est l’heure du barbecue avec les invités.
Je m’approche, je suis proche, ma gorge se noue, les battements de mon cœur s’accélèrent, mon sourire se fige sur mon visage. J’enlace tout naturellement cet homme. Submergées par cette ascension d’émotions, mes larmes m’apaisent, le stress s’évacue, mon cœur reprend son rythme.
J’observe son regard, il observe mon regard, tout naturellement, nous nous sourions. Il prend ma valise et nous nous rapprochons de ce magnifique bâtiment éclatant de blanc. Je m’arrête un instant pour contempler la beauté de la façade. Le mélange somptueux des couleurs neutres, à savoir, le blanc, le noir et le gris donne un charme très fort au bâtiment. Il s’impose tout naturellement des bâtiments juxtaposés. La superposition entre l’enduit lisse et les moulures habille cette façade en lui donnant un caractère chic et raffiné. La touche de noir au niveau des menuiseries et des garde-corps apporte du cachet à ce bâtiment.
Le ciel se couvre de nuage gris, quelques gouttes effleurent nos visages. Nous nous regardons droit dans les yeux, les gouttes d’eau s’accumulent sur notre peau, nous éclatons de rire et nous nous précipitons pour nous abriter sous le porche de l’hôtel.
Après quelque heure de vol et de décalage me voici arrivé au Kenoa Hotel. Le trajet en avion fut mouvementé, pas très reposant…
C’est non loin de l’océan que j’aperçois les toits de l’hôtel, ces magnifiques toits en palme comme on n’en voit pas dans nos régions ; rien de mieux que de se sentir dépaysé pour avoir ce sentiment d’être en vacance. C’est en me rapprochant peu à peu de l’hôtel que j’entendis le vent du courant équatorial venir caresser les palmes des toitures, ce doux bruit de feuilles séchées qui s’agitaient et se frappaient entre elles !
Me voici enfin devant l’hôtel, fatigué par ce long voyage ; je ne traîne pas et m’oriente rapidement à l’accueil pour récupérer la clef de ma chambre ! C’est à peine si je pris le temps de regarder autour de moi. La nuit était tombée, il m’était difficile de reconnaitre les lieux ; toutes les photos mise sur le site étaient prises de jour… Je m’empresse d’aller à l’accueil récupérer ma clef de chambre; je pose ma valise sans même prendre le temps de ranger mes affaires et je m’allonge dans le lit…
Ça y est, nous y sommes. Tout le long du chemin je n’arrêtais pas de dire à Alexis à quel point il me tardait d’arriver à l’hôtel pour en faire la découverte, c’est chose faite. Le soir tombe, la façade s’allume. Je m’éloigne de cette dernière et grimpe sur le trottoir d’en face. Mes yeux se baladent au gré des fenêtres qui s’allument, qui s’illuminent. Le concept de l’hôtel ne m’est pas étranger et je veux garder encore quelque temps le suspens, mais sachez qu’il est question de mise en scène. Celle-ci commence dès l’extérieur, la façade semble devenir une mosaïque d’ambiances et de couleurs rompant quelque peu la barrière entre extérieur et intérieur. Nous sommes invités, nous qui sommes dehors, à rentrer au sein de cet hôtel sans même avoir à passer la porte.
Alexis me tire de mon air contemplatif, il attrape ma valise et me guide vers l’entrée. C’est incroyable comme la moindre chose dans cet objet architectural participe à la création d’ambiance : les larges baies vitrées qui donnent à voir le hall laissent poindre une lumière aux tons chauds contrastant largement avec les tons du haut tube métallique et de sa lumière froide qui rythment la séquence d’entrée.
L’ambiance est sombre mais très luxueuse cependant. Face à nous, un couloir. Sur notre droite un grand mur illustré et lumineux éclair le comptoir métallique dans lequel se reflètent les imposants fauteuils en cuirs disposés face à lui. Je m’adresse à l’hôtesse d’accueil, en anglais, nous réalisons l’enregistrement et elle me transmet la carte qui permet d’ouvrir notre porte de chambre pour les 3 prochains jours :
la Twin Corner Junior Suite.
Nous montons au premier étage, et arrivons face à la porte 5603. Je m’empare de la carte magnétique et déverrouille la porte. Je rentre la première et me précipite à l’intérieur de la chambre. Tout y est noir et sombre, seul contrastent les draps blancs des lits ainsi que les touches métalliques et brillantes du mobilier çà et là. Tout est propre et immaculé. Alexis pose les valises dans le vestibule et je m’assois sur le lit. Mon regard court sur le plafond, face à moi l’image d’un dos féminin dénudé sur lequel une main qui me semble masculine, y écrit au pinceau, des caractères Japonais.
Ce film, du plasticien Peter Greenway, se place comme une sorte de
« poème orientaliste entièrement dédié à l’art de la calligraphie … sur corps humain! ». On y suit le parcours d’une jeune femme qui veut faire de son corps un véritable livre ouvert pour son amant. Le cinéaste manipule habilement image et trame pour nous livrer une oeuvre novatrice et évocatrice ou l’envoutement et l’exotisme règnent en maître. Il réalise, avec ce film, un questionnement et une étude poussée sur le corps, sur son action médiatrice entre les êtres humains, mais également entre les signes et leur transmission.
Le corps, vu comme un lieu de mémoire, Également lieu de la mémoire, le corps permet un voyage dans le temps, un retour dans le passé plus ou moins lointain, mais dans un désordre propre aux paradoxes qu’il renferme dans ses recoins les plus sombres. À travers l’écriture des idéogrammes, les personnages de l’écran sont animés par diverses pulsions. Les signes, brûlés ou effacés demeurent éphémères, rappelant ainsi le besoin constant d’oubli de la mémoire. Le lien intrinsèque entre le corps et la littérature demeure, pour sa part, inscrit à jamais dans la chair des personnages, soit dans les pages du livre humain de Jérôme, soit dans la peau finalement tatouée de Nagiko.
Adepte des road trips, je choisis de me rendre aux Pays-Bas par train, une parfaite occasion pour me ressourcer en méditant face à un paysage diversifié et calme qu’offrent le Luxembourg et l’Allemagne.
Le trajet de sept heures avec deux correspondances est idéal puisque d’une part ça me replonge dans ma tendre enfance, quand autrefois on prenait la route en famille. Les longs trajets sont encrés en moi et font partie de mes innombrables échappatoires d’un quotidien monotone à s’en lasser.
Ça y est, je suis à DAM ! Arrivée à la Central Station d’Amsterdam, je suis excitée comme une puce de pouvoir débuter cette aventure, que je me dépêche à déverrouiller mon téléphone, toujours prêt à capturer et immortaliser des moments, et me hâte à prendre des photos de cette belle architecture. Je revérifie une dernière fois mon ticket de bus en direction d’Amsterdam Noord et j’exécute.
Tout au long du trajet, je n’ai pu m’empêcher de contempler cette ville au charme démesuré, ces gens au sourire radieux et harmonieux en dépit de leur diversité. Plongée dans mes pensées contre la vitre, un doux assoupissement se faisait sentir mais très vite j’ai été ramenée à la réalité par un paysage désormais froid, brut et solitaire, c’est … industriel ! Oh on est arrivés à la zone industrielle d’Amsterdam, là où se trouve le port… et mon hôtel !
Les clés de ma chambre en poche, j’ouvre ma valise et prends mon maillot de bain. Le bagagiste s’occupe de ma valise, et c’est parti pour la rencontre avec un rêve éveillé! J’emprunte alors cet ascenseur qui me propulse sous terre, dans un hall noir. Je suis attirée par cette porte transparente qui laisse entrevoir la séquence d’entrée dans les thermes.
Une fois mes émotions reprises et changée, je passe enfin cette porte avec mon grand peignoir blanc. Je suis tout de suite prise par l’odeur que dégagent les robinets : la rouille. La chaleur s’empare de mes joues, j’avance dans une ambiance obscure et lumineuse à la fois. Sur ma gauche je vois des « salons » où les visiteurs peuvent se recoiffer et prendre soin d’eux.
J’avance dans ce long couloir de pierre en caressant le mur et en passant ma main sous les robinets. J’arrive enfin sur ce grand « balcon » ouvert sur les thermes, j’enlève mes chaussons, sans quitter du regard ce rêve qui devient réalité pour moi.
Pieds nus sur ce sol divin, je suis marquée par la chaleur de la pierre dans cette lumière si particulière… Mon coeur s’emballe, j’y suis enfin. Je n’ai pas le droit de prendre de photographie, et pour une des premières fois de ma vie je n’en ai pas besoin, cela restera gravé en moi pour toujours…
Après ce long trajet qui m’a paru si interminable je me hâte
de sauter du taxi. Celui-ci avait quitté la route principale pour me déposer au
cœur de l’hôtel. En face de moi : un grand bâtiment d’accueil, à sa gauche
une succession de petites maisons de pierres pareil qu’à sa droite. L’ensemble
du terrain est délimité par des petits murets de pierres, qui ne semblent pas
faire obstacle aux chèvres. Vous avez bien lu oui ! J’arrive dans un hôtel
5 Etoiles et je suis accueillie par… DES CHEVRES ! Ce qui explique certainement
qu’il n’y ait pas de voitures qui circulent dans le site. La route est dégagée
pour les touristes aux allures d’instagramer qui prennent leurs meilleurs
selfies en compagnie de ces charmantes bêtes. Finalement je crois que voir ces
gens bien connectés me rassure un peu quand même et je retrouve le sourire.
De là, je ne vois toujours pas de piscine, ni de belles
vues, mais voir les touristes heureux me fait du bien. J’entre dans le hall
immense, pressée de découvrir l’intérieur des lieux ! Je n’ai maintenant plus
aucune vue sur le désert, la pièce est relativement fermée et artificiellement
éclairée. Ça y est, on sent le luxe. Une énorme fontaine à eau se trouve au milieu
de la pièce, j’ai déjà l’impression d’avoir quitté le désert.
Allongé dans mon lit, les yeux grands ouverts Les derniers rayons du soleil percent la surface Les poissons dansent au-dessus de moi Le confort, la douceur des draps Isolé dans ma bulle, le silence est roi Au bout du ponton, c’est la mer L’océan qui s’étend à perte de vue Entre rêve et veille, l’esprit s’égare S’agrippent dans mes pensées quelques récits de mer Et sèment le doute dans la nuit Au fond de ces eaux troubles Des formes s’agitent et tremblent Belles comme des lumières sous la pluie